L'actrice Karine Vanasse fait partie des 27 présumées victimes de la conseillère financière Carole Morinville, que l'Autorité des marchés financiers soupçonne d'avoir orchestré une fraude à la Ponzi de 1,5 million de dollars.

Le 2 août dernier, le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières a gelé les comptes de banque de Carole Morinville. Dans la décision du Bureau, que La Presse a consultée, on peut lire qu'une personne désignée par les initiales K.V. a perdu 125 000$. Selon une source proche du dossier, il s'agit de l'actrice Karine Vanasse.

Jointe vendredi à Paris, où elle tourne un film, l'actrice n'a pas nié. «C'est le genre de dossier où on ne peut pas dire grand-chose. Je ne peux pas parler», a-t-elle répondu quand La Presse lui a demandé si elle faisait partie des présumées victimes de Carole Morinville. Jointe de nouveau hier, elle a indiqué qu'elle ne ferait pas de commentaire.

Selon la décision du Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières, la dénommée K.V. connaissait Carole Morinville depuis de nombreuses années, entretenait une «relation de confiance» avec elle et avait «peu de connaissances dans le domaine financier».

Selon la preuve déposée par l'AMF, Carole Morinville a proposé à Karine Vanasse d'investir la somme de 125 000$ provenant de la vente de son appartement. Le 5 février dernier, Karine Vanasse a remis un chèque de 125 000$ à la conseillère financière. Deux mois plus tard, Carole Morinville a remis un relevé de portefeuille maison comme preuve de placement. L'actrice n'a jamais su dans quel fonds l'argent avait été placé. Le 16 juin dernier, elle a tenté sans succès de récupérer son argent. Elle n'a pu parler à Carole Morinville depuis ce jour.

La preuve de l'AMF tend à démontrer que Karine Vanasse aurait été victime d'un stratagème à la Ponzi, qui consiste à payer ou à rembourser des investisseurs avec l'argent d'investisseurs subséquents. Une autre cliente de Carole Morinville, désignée par les initiales F.S., voulait ravoir ses 150 000$. Elle a été remboursée en deux versements, l'un de 50 000$ le 25 janvier et l'autre de 100 000$ le 8 février, soit trois jours après le dépôt du chèque de 125 000$ de Karine Vanasse.

«L'argent ayant servi à rembourser l'investisseur F.S. provenait d'investissements effectués par deux autres investisseurs, P.D. et K.V.», écrit le Bureau dans sa décision.

Karine Vanasse, 26 ans, est l'une des actrices les plus populaires et les plus respectées au Québec. Elle a notamment gagné deux fois le Jutra de la meilleure actrice (pour Emporte-moi et Séraphin) et a mérité un prix Génie d'interprétation pour Polytechnique, un film qu'elle a aussi produit. Elle tourne actuellement à Paris le film Switch, du réalisateur français Frédéric Schoendoerffer. Elle a aussi profité de son séjour à Paris pour tourner dans le prochain film de Woody Allen, Midnight in Paris (voir notre article).

Roch Voisine client mais pas victime

Carole Morinville, qui a fait faillite en 1997, a plusieurs clients dans le milieu artistique québécois, dont notamment le chanteur Roch Voisine. Ce dernier n'est toutefois pas au nombre des 27 présumées victimes de la fraude.

«Roch lui a acheté des assurances, mais il n'est pas parmi les victimes. Il n'avait pas fait de placements. L'Autorité des marchés financiers a demandé à faire des vérifications, mais tout était en règle», dit l'agent de Roch Voisine, Pierre Charbonneau, qui dit ne pas connaître Carole Morinville.

Selon l'AMF, Carole Morinville a recueilli 1,5 million de dollars auprès de 28 investisseurs entre 2007 et 2010. Une seule cliente a pu récupérer sa mise initiale, une somme de 150 000$. Deux des trois comptes gelés par l'AMF ont un solde négatif tandis que le troisième a un solde positif de 1070,34$. Les comptes gelés se trouvent chez Desjardins, à la Banque Nationale et à la Banque TD.

L'Autorité des marchés financiers n'a pas voulu dire qui sont les 27 présumées victimes. «Nous ne donnons jamais ce genre d'information, dit Louis Beauchamp, directeur des communications de l'AMF. Ce sont les victimes qui font le choix de dévoiler leur identité. Nous adoptons cette politique afin de protéger les investisseurs. Dans le passé, on a déjà vu des victimes d'une fraude se faire solliciter par d'autres fraudeurs potentiels qui leur proposent de se refaire au plan financier.»

Le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières a mis sous scellé les documents déposés au dossier de la Cour. Seule la décision rendue par le Bureau est publique. «Sceller les documents est une procédure habituelle dans les dossiers de mesures préventives comme celui de Mme Morinville. Nous voulons protéger les informations personnelles et confidentielles comme les numéros de comptes (bancaires)», dit Louis Beauchamp, qui précise que l'identité des victimes sera dévoilée s'il y a des accusations pénales.

L'AMF n'a pas porté d'accusation pénale contre Carole Morinville. «L'enquête n'est pas terminée, dit Louis Beauchamp. Nous avons demandé une ordonnance pour geler les comptes parce qu'on craignait une manipulation de fonds. S'il des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières ont été commises, il y aura des accusations pénales.»

Par voie de communiqué, Carole Morinville a indiqué la semaine dernière qu'elle était prête à collaborer à l'enquête de l'AMF. Son avocat, Lorne Marchand, n'a pas rappelé La Presse.

- Avec la collaboration de Marie-Christine Blais