L'Autorité des marchés financiers a gelé les comptes bancaires de Carole Morinville et d'une entreprise liée à son mari. La conseillère financière aurait utilisé un stratagème à la Ponzi.

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Dans le domaine depuis 20 ans, elle compte plusieurs infractions disciplinaires à son dossier.

Carole Morinville, conseillère financière proche du milieu artistique québécois, est soupçonnée par l'Autorité des marchés financiers d'avoir orchestré une fraude à la Ponzi de 1,5 million de dollars.

L'AMF a annoncé hier avoir gelé ses comptes bancaires ainsi que ceux d'une entreprise liée à son mari, Roberto Diano, Boîte Bagel MTL (voir autre texte). Le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières du Québec a acquiescé lundi à la requête de l'AMF, qui craignait une dilapidation des actifs des investisseurs.

Carole Morinville, qui a fait faillite en 1997 et qui a plusieurs infractions disciplinaires à son dossier, a recueilli 1,5 million de dollars auprès de 28 investisseurs entre 2007 et 2010. Aujourd'hui, deux des trois comptes gelés par l'AMF ont un solde négatif tandis que le troisième a un solde positif de 1070,34$. Une seule cliente a pu récupérer son investissement initial, une somme de 150 000$. Les comptes gelés se trouvent chez Desjardins, à la Banque Nationale et à la Banque TD.

Selon l'AMF, la conseillère financière incitait des personnes avec qui elle avait créé un lien de confiance à investir dans l'espoir de rendements de 5 à 15%, «tout en conservant un certain flou sur le contenu et le type de placements».

L'AMF croit que Carole Morinville a utilisé le stratagème de Ponzi pour rembourser 150 000$ à l'une de ses clientes en janvier et février 2010, c'est-à-dire qu'elle s'est servie de l'argent de deux nouveaux clients. L'une des deux lui avait confié la somme de 125 000$ provenant de la vente de son appartement, en février 2010. En juin, cette cliente a voulu récupérer son placement. Elle n'a pas eu son argent et n'a pas été capable de parler à Carole Morinville depuis.

Connue du milieu artistique

Carole Morinville, qui possède 20 ans d'expérience dans les services financiers, est bien connue dans le milieu artistique québécois, où elle a plusieurs clients.

En décembre dernier, elle a plaidé coupable à cinq chefs d'accusation à la suite d'une plainte du comédien Denis Bouchard (Annie et ses hommes, Lance et compte à la télévision, Histoire d'hiver au cinéma, notamment). Pour avoir mal exécuté son mandat, elle a été condamnée à une suspension d'un mois et à des amendes totalisant 27 075$.

Par le truchement de son entreprise Les Productions Tragicomix, Denis Bouchard l'a également poursuivie au civil pour 170 779,94$. Le litige a été réglé à l'amiable en octobre dernier. Les modalités de l'entente n'ont pas été dévoilées.

Comme l'a révélé La Presse hier, Carole Morinville a été radiée provisoirement de la Chambre de la sécurité financière le mois dernier en attendant son audience, qui doit avoir lieu à l'automne. La radiation provisoire est une sanction réservée aux cas les plus graves. Elle est accusée de s'être approprié illégalement 227 000$ provenant de deux clients et de s'être placée en conflit dans des placements de 200 000$ de deux autres clients.

Il s'agit de la troisième accusation disciplinaire à laquelle elle fait face en sept ans. Outre la plainte du comédien Denis Bouchard, elle a été réprimandée pour diverses fautes professionnelles en 2003 par la Chambre de la sécurité financière, qui lui avait imposé des amendes totalisant 22 000$.

En 1996, la Commission des valeurs mobilières du Québec (l'ancêtre de l'AMF) l'a radiée pour un an comme représentante en épargne collective. Elle a néanmoins continué de pratiquer cette activité, si bien que la Commission lui a interdit de s'inscrire à ce titre en 1999. «Son comportement témoigne d'une indifférence totale à l'égard des obligations imposées par la loi», écrit la Commission dans sa décision.

Selon la preuve déposée devant la Commission, Carole Morinville a déclaré faillite en 1997. Dans une déclaration sous serment, elle a admis à l'époque des actifs de 111 300$ et un passif de 437 294$. Elle n'avait pas avisé immédiatement la Commission de sa faillite.

Accusations pénales à venir?

Même si les comptes bancaires de Carole Morinville sont gelés depuis lundi, l'AMF poursuit son enquête et n'exclut pas la possibilité de porter des accusations pénales contre celle qui est inscrite à l'AMF comme conseillère en assurance collective de personnes.

«La requête (ayant mené au gel des comptes bancaires) a été présentée pour arrêter les opérations de Mme Morinville. L'enquête se poursuit et des accusations pénales seront portées s'il y a eu des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières», dit Cathy Beauséjour, porte-parole de l'AMF.

L'AMF remboursera-t-elle les 28 victimes déclarées de Carole Morinville? L'organisme de réglementation des services financiers préfère attendre avant de se prononcer. «Elles pourraient être remboursées par le Fonds d'indemnisation des services financiers si la fraude relève de produits d'assurance, mais il faudra attendre car les produits en cause sont relativement flous», dit Cathy Beauséjour, de l'AMF.

Carole Morinville n'a pas rappelé La Presse hier.