Jacques Gagné est dans la ligne de mire des autorités depuis près de 10 ans. Or, la semaine dernière, il a finalement été déclaré coupable d'une fraude de 3,3 millions de dollars liée au régime enregistré d'épargne-retraite (REER).

L'homme d'affaires était poursuivi par l'Agence du revenu du Canada depuis 2002, mais les nombreuses procédures ont repoussé le procès et le prononcé du jugement. Vendredi, il a été déclaré coupable d'évasion fiscale, à Longueuil. Sa peine sera connue le 30 septembre.

Selon l'enquête de Revenu Canada, Jacques Gagné a permis à 152 contribuables de ne pas déclarer un total de 3,3 millions, de 1997 à 1999, ce qui leur a permis d'éviter le paiement de plus de 600 000$ d'impôts au fédéral. L'argent avait été retiré de leur REER, de leurs régimes de pension agréés (RPA) ou de leur compte de retraite immobilisé (CRI).

Plusieurs de ces contribuables avaient été recrutés par l'entremise de petites annonces trompeuses dans les journaux, selon Revenu Canada. Jacques Gagné leur proposait d'investir l'argent de leur REER et de leurs autres régimes dans des coquilles qui étaient présumées respecter les règles du fisc. Dans les faits, ces coquilles n'étaient pas admissibles à de tels investissements. Qui plus est, elles appartenaient à Jacques Gagné lui-même, notamment Servitek 2000, Educamax et Services financiers Mackenzie.

L'Agence du revenu du Canada n'est pas le seul organisme à avoir maille à partir avec Jacques Gagné. Depuis 2005, le financier est visé par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour pratique illégale de courtier. En 2008, l'AMF a intenté une poursuite contre Jacques Gagné pour des agissements entre 2003 et 2005 qui touchent huit contribuables. Elle réclame des amendes de 813 000$.

Essentiellement, l'enquête de l'AMF a démontré que Jacques Gagné a incité des investisseurs à placer leur REER ou leur CRI dans ce qui s'est avéré être ses propres entreprises moyennant une avance, par exemple, de 40% de la somme. Au bout du compte, leur investissement a périclité, selon les documents de l'AMF déposés en cour.

Bahamas, Namibie, Chili...

Depuis 2005, certains des comptes liés à Jacques Gagné et à sa conjointe, Martine Gravel, sont bloqués. Les deux se sont également vu interdire toute opération sur valeur. L'interdiction vaut également pour les sociétés à numéro 9112-2192 Québec inc. et 9151-2632 Québec inc.

La première entreprise fait dans la recherche d'emplacements pour la construction de condos vacances, tandis que la seconde fait de la recherche et développement (R&D) dans les stratégies boursières. L'AMF soutient que ces deux entreprises appartiennent à M. Gagné ou à Mme Gravel, mais à la dernière mise à jour du fichier des entreprises, en 2007, ces deux firmes étaient ultimement détenues par une firme de Namibie, en Afrique.

Dans le dossier de Revenu Canada, les entreprises étaient la propriété de firmes des Bahamas et gérées par des administrateurs du Chili ou de la République dominicaine.

Cortellazzi

Par ailleurs, il appert que le couple Jacques Gagné-Martine Gravel a fait des affaires importantes avec Andrea Cortellazzi, ce financier de qui des investisseurs se sont plaints dans La Presse Affaires.

En octobre 2008, Martine Gravel a fait un prêt de 400 000$ à Andrea Cortellazzi, selon un document déposé en cour. En échange de ce prêt, Andrea Cortellazzi a détenu des actions de diverses entreprises en Bourse au nom de Mme Gravel d'une valeur équivalente. En mars 2009, Martine Gravel a réclamé d'être remboursée, dans une requête en Cour supérieure.

Andrea Cortellazzi fait l'objet de plusieurs réclamations en cour. Des investisseurs ont affirmé à La Presse avoir été floués par M. Cortellazzi dans une affaire de placements dans de petits titres boursiers aux États-Unis.

Le procès de Jacques Gagné dans le dossier de l'AMF aura lieu du 30 novembre au 2 décembre 2010.