La Société Générale a demandé mercredi au tribunal correctionnel de Paris de condamner son ancien trader Jérôme Kerviel à lui payer 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, en réparation du «préjudice» subi début 2008.

«Il est évident que M. Kerviel ne paiera pas» une telle somme, a déclaré dans sa plaidoirie l'un des trois avocats de la banque, Me Jean Veil.

Mais ce montant est demandé par souci de «simplicité» et de «compréhension», a-t-il ajouté, estimant que cette somme ne représentait «qu'une partie» du préjudice subi. «On aurait pu demander des intérêts, on aurait pu demander réparation pour le préjudice moral» également subi, a-t-il ajouté.

La banque reproche à Jérôme Kerviel, qui encourt par ailleurs cinq ans de prison et 375 000 euros de dommages et intérêts, d'avoir pris à son insu pour des dizaines de milliards d'euros de positions spéculatives sur les marchés financiers, qui se sont soldées en janvier 2008 par une perte historique de 4,9 milliards d'euros.

Jérôme Kerviel, 33 ans, conteste cette analyse et refuse d'assumer la responsabilité de cette perte.

Il affirme que ses supérieurs hiérarchiques étaient au courant de ses opérations - ce qu'ils ont démenti dans leurs témoignages - et pense qu'il aurait pu au final «se refaire» si on lui en avait laissé le temps.

Selon l'ancien trader, le «débouclage» (liquidation) des positions qu'il avait prises a été mal fait et au mauvais moment, ce qu'a encore fermement contesté Me Veil. La banque était menacée, elle n'avait pas le choix, a assuré l'avocat.

Avant Me Veil, Me François Martineau, autre avocat de la banque, avait expliqué que la «thèse de Jérôme Kerviel» selon laquelle la Société Générale «savait» ce qu'il faisait, était «totalement invraisemblable».

D'abord, «pourquoi cacher ce qui est su ? Il y a là une contradiction majeure». Ensuite, a poursuivi l'avocat, «il dit "on m'a laissé gagner, et quand j'ai commencé à perdre on m'a arrêté"». Mais, a-t-il rappelé, «il a commencé à perdre en avril 2007 !», avant de redresser la situation à la fin de l'année, fin 2007, puis de perdre de nouveau en janvier 2008.

Me Martineau a aussi rappelé des «images» qui ont pu être évoquées depuis le début de cette affaire: le «pot de terre contre le pot de fer», ou encore «David contre Goliath».

Mais il y a bien, a-t-il dit, une victime, qui est la banque, et un «prévenu» poursuivi pour les trois délits d'abus de confiance, faux et usage de faux, et introduction frauduleuse de données dans un système informatique.

Ces trois délits, a-t-il affirmé, sont bien constitués.