D'explications improbables en faux courriels, l'ancien trader de la Société Générale Jérôme Kerviel a raconté mercredi, au 7ème jour de son procès à Paris, comment il avait contourné les contrôles qui, au long de 2007, s'étonnaient d'anomalies détectées dans ses opérations.

«Que ce soit bête, débile, je vous le concède (...) mais j'étais dans une spirale... c'était un boulevard», s'est encore une fois justifié Jérôme Kerviel, 33 ans, jugé depuis le 8 juin pour avoir causé une perte de 4,9 milliards d'euros début 2008.

Au début de son interrogatoire, il a de nouveau reconnu avoir saisi des opérations fictives, pour masquer ses engagements réels sur les marchés financiers.

A partir de mars 2007, ces prises de positions ont commencé à représenter des sommes astronomiques, pour atteindre près de 50 milliards d'euros début 2008, lorsque la «fraude» a été découverte.

Avant ce dénouement, l'ex-trader avait connu un premier semestre 2007 difficile, avec une perte «latente» ayant dépassé les deux milliards d'euros en milieu d'année, avant un retournement du marché qui lui avait permis d'engranger 1,4 milliard.

Mais pour les gains comme pour les pertes, il devait dissimuler, parce que les montants étaient trop énormes. Et mentir pour justifier ses prises de positions. «Ecart de méthodes», «erreur de saisie», fabrication de faux mails de supposées «contreparties»...

A l'entendre, couper court aux questions des services de contrôle était facile, puisqu'ils semblent avoir cru à des justifications «pas crédibles un quart de seconde».

«Mais fin 2007, vous auriez pu vous arrêter (...) vous étiez sûr de vous?», lui a demandé le président de la 11e chambre du tribunal correctionnel, Dominique Pauthe.

«A l'époque, oui, à tort sûrement», a répondu Jérôme Kerviel en répétant que ses supérieurs hiérarchiques cautionnaient sa stratégie de «trading».

«C'est comme tenir un chien en laisse et lâcher dix mètres de corde», a-t-il ajouté. Avec quel «os à ronger?», a questionné Dominique Pauthe. «Le résultat pour la banque», a répliqué Jérôme Kerviel.

Comme il l'a dit à de nombreuses reprises depuis le début de son procès, l'ancien trader, qui encourt cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende, a affirmé avoir agi pour «faire gagner un maximum d'argent à la banque».

L'audience avait débuté avec une passe d'armes entre avocats, la défense ayant souhaité obtenir une copie des disques durs d'ordinateurs des supérieurs hiérarchiques immédiats de Jérôme Kerviel.

«Je comprends que la défense de Jérôme Kerviel veuille démontrer la faiblesse des services de contrôle», a déclaré Me Jean Veil, avocat de la Société Générale.

Le tribunal, a-t-il ajouté, est appelé à juger non de cette faiblesse, mais des «infractions» reprochées à Jérôme Kerviel, à savoir abus de confiance, faux et usage de faux, et introduction frauduleuse de données dans un système informatique.

«Jérôme Kerviel n'était pas payé pour s'assurer que les contrôles fonctionnaient bien», a ironisé l'avocat.

«Je veux toute la transparence», a répliqué Me Olivier Metzner, avocat de Jérôme Kerviel. Mais «dans ce dossier, la curiosité semble déranger la partie civile», a-t-il lancé.

En juillet 2008, la Commission bancaire avait infligé un blâme et une amende de quatre millions d'euros à la Société générale pour des «carences graves du système de contrôle interne». Une demi-douzaine de supérieurs hiérarchiques de Jérôme Kerviel avaient par ailleurs été licenciés ou avaient présenté leur démission après cette affaire sans précédent.