L'ancien trader de la Société Générale Jérôme Kerviel s'est montré combatif mardi à l'ouverture de son procès, affirmant d'emblée que sa hiérarchie ne pouvait pas ignorer les opérations qui lui sont reprochées et ont conduit à une perte de 4,9 milliards d'euros début 2008.

«Tout se voit, tout s'entend» dans une salle de marchés, a-t-il déclaré devant le tribunal, alors que la première audience étudiait la personnalité du jeune homme de 33 ans, qui encourt cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende.

«Les encouragements journaliers de mes supérieurs ne m'ont pas freiné, ils m'ont plutôt encouragé» à continuer à prendre des risques, a-t-il affirmé.

Donnant le ton de la défense, son avocat Olivier Metzner a fait projeter sur grand écran un plan de la salle dans laquelle travaillait son client. Traders alignés, proches les uns des autres, et «cinq hiérarques» à proximité, a remarqué l'avocat.

À la question de savoir s'il était «possible qu'un Kerviel solitaire» passe des ordres pour des milliards d'euros sans que personne ne sache rien, l'ancien trader a répondu «impossible, pas pendant plus d'une journée en tout cas».

En fin d'audience, Me Metzner a montré un extrait du fichier dans lequel étaient enregistrées les opérations des traders de la Société Générale, y voyant la preuve que les engagements de Kerviel étaient facilement repérables.

Mais pour Claire Dumas, adjointe au directeur des «risques opérationnels» de la banque, qui intervenait pour la partie civile, ce n'était aussi simple. Elle a expliqué qu'en janvier 2008, il avait fallu «40 personnes pendant 48h00» pour identifier la «fraude», preuve de sa complexité selon elle.

Selon l'accusation, Jérôme Kerviel a pris des positions spéculatives exorbitantes sur les marchés financiers à l'insu de sa hiérarchie, en déjouant les contrôles à l'aide d'opérations fictives et fausses déclarations.

Une enquête a démontré les carences des contrôles, mais l'instruction n'a pas établi de complicités, et Jérôme Kerviel est seul poursuivi pour abus de confiance, faux et usage et faux et introduction frauduleuse de données.

Le jeune homme a admis avoir commis des erreurs et perdu le sens des réalités. Il reconnaît aussi avoir enregistré des opérations fictives pour camoufler des engagements réels, mais assure que c'était monnaie courante et surtout que ses supérieurs savaient.

Au début de l'audience, Jérôme Kerviel, costume gris sombre sur chemise blanche et cravate rose, a sobrement décliné son état-civil devant le tribunal: «célibataire, consultant informatique», avec un revenu de «2300 euros» par mois.

Juste avant, il s'était difficilement frayé un chemin pour parvenir à la salle d'audience, freiné par des dizaines de journalistes accrédités pour ce procès au retentissement international.

Dès le début, une première passe d'armes a eu lieu entre avocats à l'appel des quelque 40 témoins qui seront entendus au fil des trois semaines d'audiences.

Un représentant de petits actionnaires a cité comme témoin l'ancien PDG de la banque, Daniel Bouton. Celui-ci a écrit au tribunal qu'il doutait de l'intérêt de son audition, mais se disait prêt à venir si on le lui demandait.

Me Jean Veil, pour la Société Générale, se lève. «Sauf à organiser le cirque Barnum», l'avocat estime «ridicule» de le faire venir. Le président Pauthe, se comparant à un Monsieur Loyal, en conclut qu'il en décidera au vu des débats.

Les premiers témoins seront entendus mercredi après-midi. Parmi eux: un ancien patron de Jérôme Kerviel, Jean-Pierre Mustier, et un ancien président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Jean-François Lepetit.