«Des sonnettes brûlées, ça se peut.»

Annie Legroulx l'a appris avec une cuisinière domestique dont le four chauffait inégalement, ce qui a gâché l'émail de plusieurs platées de sonnettes de vélos. Elle fait maintenant la cuisson de la peinture dans une cuisinière Bosch, qu'elle montre près de l'entrée de son atelier.

Nous sommes chez dring-dring, la manufacture d'Annie Legroulx. «Manufacture» dans son sens original de «fabrication manuelle». Car les motifs de chacune de ses pimpantes sonnettes sont peints au pinceau.

Cette diplômée en design de l'environnement de l'UQAM en avait eu l'idée pendant sa première maternité. Pour protéger sa sonnette de vélo de la corrosion, elle l'avait colorée d'un vibrant vert lime, autour d'un centre rose. On l'arrêtait dans la rue pour savoir où s'en procurer. Dans sa tête, quelque chose a sonné: fabriquer des sonnettes de vélo!

Une étude de marché? Mieux, elle a fait un test de marché.

Elle a peint 200 sonnettes sur le balcon de son appartement et les a présentées dans une exposition d'objets artisanaux, en 2004. Elles étaient toutes écoulées avant la fin de l'événement. Elle avait sa réponse.

Près de six ans plus tard, elle a vendu plus de 20 000 sonnettes. Sur son site internet (www.dringdring.ca), elle propose une soixantaine de modèles, toujours en évolution.

Elle achète ses sonnettes en Chine, en lot de 10 000 – le minimum. La couche de fond, en neuf couleurs de base, est appliquée chez Formétal, où l'entrepreneure a un statut particulier: «Personne d'autre n'a besoin de peinture en poudre rose nanane!»

Les motifs sont ensuite peints et cuits dans son petit local de 1350pi2, rue Saint-Dominique, à Montréal, par une poignée d'artistes – entre deux et sept, selon les saisons.

Pour chaque sonnette, comptez de 12 à 20 minutes de... minutie. Quand elle embauche, Annie Legroulx réunit huit candidats autour d'une table, et leur fait passer un test de peinture. «Je suis chanceuse s'il y en a un qui est capable», raconte-t-elle.

Une sonnette dringdring est un petit objet utile, bien sûr, mais au prix de 24$, son intérêt tient au clin d'oeil lancé à l'acheteur. Un clin d'oeil de complicité ou de séduction, selon les modèles. Depuis l'automne dernier, Annie Legroulx a poussé ce rapport jusque dans l'emballage.

Elle a fiché des sonnettes à motifs floraux au sommet d'une tige verte, et les a glissées dans un sachet de plastique, comme une fleur, carte de visite incluse. Ses sonnettes aux allures de cupcakes sont déposées dans des boîtes à pâtisseries transparentes. «Juste avec ça, les gens considèrent que j'offre un nouveau produit», constate-t-elle.

En 2010, l'entrepreneure de 33 ans veut étendre son marché aux États-Unis, en participant à l'importante foire Interbike, à Las Vegas. Si les commandes déferlent, elle engagera davantage de peintres. Heureusement, Montréal regorge d'artistes talentueux en quête de revenus d'appoint.

Car c'est un paradoxe: quelle que soit sa croissance, dringdring doit demeurer artisanale. Le succès du produit, tout comme la passion qu'Annie Legroulx y trouve, réside dans sa touche humaine. «La Chine voudrait m'envoyer un produit fini, affirme la designer. Mais s'il n'y a aucune création, ni travail effectué ici, je préfère faire autre chose.»