C'est la colossale somme de 2,5 milliards de dollars que le gouvernement Harper entend «récupérer» au cours des cinq prochaines années en mettant immédiatement la hache dans trois échappatoires fiscales.

Commençons par la mesure «chirurgicale». Fini le crédit d'impôt pour les frais médicaux consacrés à des «fins purement esthétiques», comme la liposuccion, le remplacement capillaire, les injections de toxine botulinique et le blanchiment des dents.

Le coup de scalpel de cette mesure va permettre au fédéral d'économiser 40 millions par année, soit 200 millions en cinq ans.

Il y a toutefois une exception à noter si ces mêmes «procédures esthétiques» sont exigées à des fins médicales ou restauratrices (en raison d'une malformation attribuable à une anomalie congénitale, d'une blessure liée à un accident ou à un traumatisme, ou d'une maladie défigurante). Dans un tel cas, les dépenses resteront admissibles au crédit d'impôt pour frais médicaux, lequel crédit fédéral de 15% est accordé sur le total des dépenses médicales qui excèdent le moins élevé de 2024$ ou 3% du revenu net.

Passons à la juteuse échappatoire portant sur l'encaissement des options d'achat d'actions offertes aux dirigeants et employés de premier plan des entreprises inscrites en Bourse. À elle seule, la mise au rancart de cette échappatoire va empêcher les entreprises de sauver près 1,7 milliard d'impôt au cours des cinq prochaines années. On parle donc d'une ponction qui dépasse les 300 millions par année.

Voici de quoi il s'agit. Lorsqu'ils exercent leurs options, les employés réalisent un gain équivalent à la différence entre le prix de levée de l'option et la valeur marchande de l'action obtenue (et généralement revendue subito presto sur le marché boursier).

Même s'il s'agit d'une forme de salaire déguisé, seulement la moitié du gain réalisé avec les options est imposable. En effet, la déduction pour option d'achat d'actions permet à l'employé de réduire de 50% le montant de ses gains. Alors que le salaire et les primes versés aux employés sont imposés dans leur totalité, les gains tirés des options sur actions sont ainsi imposés à moitié. Ils sont finalement traités comme les gains en capital du commun des contribuables, dont seulement la moitié est imposable.

Au fil des années, des entreprises ont trouvé un super filon fiscal qui leur a permis de profiter, elles aussi, des largesses de la fiscalité. Plusieurs d'entre elles ont structuré leurs conventions d'achat d'actions d'employés de manière à pouvoir bénéficier elles aussi de la déduction pour options d'achat d'actions.

Comment? Explication du ministère des Finances:

«En vertu des règles fiscales existantes, lorsqu'un employé acquiert un titre en vertu d'une convention d'achat d'actions, seule la déduction pour l'employé est accordée parce que, dans ce contexte, l'employeur ne peut demander une déduction relativement à l'émission d'un titre.»

«Il est toutefois possible de structurer des conventions d'achat d'actions d'employés de manière que, si l'employé renonce à ses droits à l'égard des options d'achat d'actions en contrepartie d'un paiement de l'employeur en espèces (ou sous forme d'un avantage en nature), le montant de l'avantage imposable relatif à l'emploi donne droit à la déduction pour option d'achat d'actions tandis que le paiement en espèces est entièrement déductible par l'employeur.»

Fini ce stratagème fiscal. «Le budget de 2010 propose d'empêcher qu'une déduction pour option d'achat d'actions et une déduction par l'employeur relativement à un titre visé par une telle option puissent être demandées à l'égard du même avantage imposable à l'emploi.»

On met ainsi fin à une double déduction!

Conséquemment, les employés continueront de bénéficier de la déduction pour option d'achat d'actions s'ils exercent leurs options en acquérant des actions de leur entreprise. S'ils se font payer en espèces dans le cadre d'une convention d'encaissement des options, ils pourront bénéficier de ladite déduction seulement si l'employeur renonce, lui, à déduire la somme versée. Dans le cas contraire, l'employé se fera supprimer la déduction pour options au profit de son employeur. C'est un ou l'autre! Passons maintenant à la plus déplorable des passes financières. Le gouvernement fédéral est tellement généreux, qu'il engraisse les entreprises en leur versant de généreux intérêts sur les charges fiscales payées en trop (impôts, TPS, cotisations à l'assurance emploi, au Régime de pension du Canada, taxes et droits d'accise, etc.).

En effet, Revenu Canada verse aux entreprises un intérêt d'au moins «deux points de pourcentage de plus» que le taux des bons du Trésor fédéral.

La solution? Que Revenu Canada se contente donc de verser sur les acomptes payés en trop des entreprises qu'un taux d'intérêt égal au rendement des bons du Trésor.

Cette seule mesure va rapporter, pardon va faire économiser, au gouvernement fédéral la jolie somme de 645 millions de dollars d'ici les cinq prochaines années, à raison de quelque 120 millions par année.

Comme la mesure entre en vigueur seulement le 1er juillet prochain, les entreprises vont donc profiter de la générosité fédérale durant quatre mois supplémentaires!

Pour joindre notre chroniqueur: michel.girard@lapresse.ca