Dans son budget dévoilé hier, le gouvernement fédéral a prévu de nouvelles mesures pour mieux encadrer les banques et protéger les consommateurs, notamment dans le domaine hypothécaire. Cependant, Ottawa serre aussi la vis aux contribuables, qui sont tentés par l'évitement fiscal.

Le gouvernement fédéral imite le Québec et s'attaque aux planifications fiscales «agressives», ces opérations astucieuses dont bénéficient certains contribuables futés.

Dans son budget, le ministre des Finances, Jim Flaherty, annonce qu'il exigera prochainement des contribuables qu'ils déclarent toute opération d'évitement fiscal. L'omission d'une telle déclaration fera l'objet de pénalités, indique-t-on.

Une «planification fiscale agressives» (PFA) est une opération d'évitement fiscal abusive. Ce genre d'opération respecte la lettre de la loi de l'impôt, mais non l'esprit. Il permet à certains contribuables d'éviter indûment de payer des millions de dollars d'impôts. En comparaison, l'évasion fiscale ne respecte ni la lettre ni l'esprit de la loi.

Le Canada imitera ainsi le Québec, qui a récemment adopté une série de mesures visant à déceler de telles PFA, notamment avec une déclaration obligatoire. Le régime fédéral proposé est similaire à ceux des États-Unis et du Royaume-Uni, bien que moins strict.

Trois symptômes sous la loupe

Les contribuables visés sont souvent de grandes entreprises ou des familles fortunées. Trois symptômes permettent au fédéral de déceler une opération d'évitement fiscal abusif.

Le premier symptôme est lié aux honoraires du promoteur ou du conseiller fiscal de la PFA. Ces honoraires sont suspects s'ils sont conditionnels à la réussite de l'obtention de l'avantage fiscal ou rattachés au montant obtenu. Ils peuvent également être rattachés au nombre de contribuables qui prennent part à l'opération.

Le deuxième symptôme est lié à la confidentialité exigé par le promoteur. Enfin, le troisième symptôme a trait à la protection contractuelle que s'arroge le promoteur advenant tout impact financier négatif découlant de l'opération.

Les contribuables devront obligatoirement déclarer une opération d'évitement fiscal si deux des trois symptômes s'y retrouvent. Une telle opération n'est pas nécessairement abusive, mais le fédéral en jugera en examinant l'opération.

Un contribuable qui omettrait de faire une déclaration dans le délai prescrit pourrait perdre l'avantage fiscal recherché, peu importe qu'il soit légitime ou non. S'il est illégitime, l'avantage sera évidemment refusé, en vertu de la Règle générale anti-évitement (RGAE).

Au Québec, l'opération illégitime est non seulement refusée, mais fait l'objet d'une pénalité de 25% de l'impôt éludé. Le fédéral ne précise pas combien il espère récupérer avec cette mesure. Au Québec, le ministère des Finances estime à 500 millions les sommes qu'il a réussi à récupérer depuis 2001 en déjouant les PFA, soit avant ses nouvelles mesures.

Fiducies en Bourse

Dans le budget, le gouvernement fédéral a déjà identifié des stratagèmes qui s'apparentent à de l'évitement fiscal abusif. En plus des planifications visant les options d'achat d'actions ou les entités de placement étrangères, notamment, mentionnons un stratagème touchant les fameuses fiducies en Bourse qui redeviennent des sociétés.

Dans le budget, il est indiqué que «des stratagèmes sophistiqués ont été élaborés pour utiliser ces dispositions (de conversion) dans le but d'effectuer des échanges de pertes fiscales inappropriés qui ne seraient pas permis entre deux sociétés».

Le budget propose des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu pour empêcher ces gains d'impôts inappropriés. Ces modifications s'appliquent à partir d'hier, 16h. Il appert que les fiducies qui se sont déjà prévalues de l'échappatoire ne seront pas pénalisées. Ottawa ne précise pas combien il a perdu avec ce stratagème ni combien il épargnera avec son intervention.

Par ailleurs, en même temps qu'il resserre les règles pour les fautifs, le gouvernement veut rendre plus simple les déclarations pour les activités transfrontalières légitimes. C'est ainsi qu'Ottawa réduira les tracasseries administratives et rationnalisera le processus d'observation concernant l'application de l'impôt aux activités transfrontalières. Ces dernières mesures devraient se traduire par des allégements fiscaux de 30 millions de dollars en 2010-2011.

D'autre part, le budget annonce que les poursuites pour infractions fiscales criminelles intentées en vertu d'une des lois de l'impôt pourront être intentées en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Pour joindre notre journaliste: francis.vailles@lapresse.ca