Au bord de la faillite, le groupe médiatique Canwest Global largue sa grosse filiale de presse écrite, qui comprend le quotidien The Gazette à Montréal, afin de réduire davantage sa lourde dette.

Pour y parvenir, Canwest LP – cette filiale qui exploite des dizaines de journaux et de sites internet – a dû être inscrite sous la protection judiciaire, hier, afin de lancer un processus formel d'appel d'offres. Et ce, même si une offre a déjà été concoctée entre Canwest Global et des créanciers garantis qui détiennent pour 950 millions de dollars de la dette de 1,3 milliard de dollars de sa filiale de presse écrite.

Ces créanciers comprennent les cinq principales banques canadiennes et quelques firmes financières.

Si leur offre de 925 millions pour Canwest LP, incluant le quotidien National Post, prévaut d'ici quelques semaines, le plus gros groupe de presse écrite au Canada anglais redeviendrait une entreprise détachée d'un télédiffuseur, mais sous le contrôle des principales banques canadiennes.

Pour Canwest Global, en particulier ses actionnaires-fondateurs, la famille Asper de Winnipeg, il s'agit d'un autre revers d'affaires considérable, qui met fin à leurs ambitions d'empire médiatique.

Car c'est avec l'achat de ces actifs de presse écrite des mains de Conrad Black en 2000, pour 3,2 milliards, que Canwest Global s'était hissé en tête des groupes de médias canadiens.

Au fil des ans, toutefois, Canwest a négligé la réduction de la dette énorme héritée de cette plus grosse acquisition de sa jeune histoire.

Conséquence: l'entreprise dirigée par Leonard Asper, fils du fondateur Izzy Asper, s'est retrouvée coincée à la suite de la crise financière de 2008 et de la grave récession des revenus publicitaires.

En octobre, Canwest Global et ses filiales de télévision ont dû se réfugier sous la protection de ses créanciers.

Depuis, analystes et observateurs s'attendaient à ce que la filiale de presse écrite, Canwest LP, doive faire de même.

Selon ses derniers résultats disponibles, au 31 août dernier, Canwest LP avait des revenus annuels réduits à 1,02 milliard, presque 200 millions de moins qu'un an auparavant.

Sa perte nette et annualisée atteignait 65,9 millions, comparativement à un profit de 143 millions un an plus tôt.

Quant au bénéfice d'exploitation de Canwest LP (avant intérêt, dépréciation et impôt), il avait aussi rétréci à 104 millions, à moins de la moitié de son niveau d'un an auparavant.

En cour, hier à Toronto, l'avocat de Canwest, Lyndon Barnes, a soutenu que la protection judiciaire était la seule solution pour éviter le pire à la filiale de presse écrite.

«L'alternative est inacceptable. La faillite ou la liquidation (de Canwest LP) serait dévastatrice pour ses employés et ses créanciers», a-t-il indiqué.

Mais, parmi ses 5300 employés, l'incertitude qui prévaut depuis la déclaration d'insolvabilité de la société mère, il y a quatre mois, demeure à peu près intacte.

«Nous ne sommes toujours pas assurés de la continuité des activités et des emplois. Et malgré le projet de rachat par des créanciers, il s'agit de banquiers et de financiers qui auront peu d'intérêt à long terme comme propriétaires exploitants d'une entreprise de presse écrite», selon Arnold Amber, directeur canadien du Syndicat de communications d'Amérique, qui représente 700 employés d'information chez Canwest LP.

Pour sa part, Peter Murdoch, vice-président du Syndicat de l'énergie, du papier et des télécoms, qui a 1800 membres chez Canwest LP, souhaite que les prochains propriétaires de ces actifs de presse écrite soient plus compétents que les précédents.

«L'exploitation de ces journaux demeure rentable. Ce qui leur a nui le plus, c'est l'énorme dette héritée des ambitions démesurées de leurs propriétaires, selon M. Murdoch. Un tel groupe de presse au Canada a besoin de propriétaires respectueux, au lieu de simples parieurs en Bourse.»

Parmi les créanciers et acheteurs éventuels de Canwest LP, on était discret hier quant aux intentions à long terme.

Tout au plus, ils ont indiqué par communiqué «avoir déterminé après analyse détaillée qu'il y a de la valeur à acquérir Canwest LP en raison des synergies d'exploitation accessibles dans une chaîne nationale de journaux et de sites internet».

Quant à la continuité des emplois, le groupe de créanciers-acquéreurs déclare «envisager le maintien de presque tous les employés de Canwest LP, ainsi que les conventions collectives, avantages sociaux et les régimes de retraite».

N'empêche, tous les intervenants chez Canwest LP, en particulier ses employés, devront patienter plusieurs semaines avant que cette offre des créanciers garantis soit entérinée en cour. Et à défaut d'offre concurrente qui serait jugée plus avantageuse pour tous les créanciers de l'entreprise.

– Avec Bloomberg