Les scandales financiers ont été légion au Québec et ailleurs en 2009, faisant des dizaines de milliers d'innocentes victimes. Cette année, l'arnaque à la mode est un vieux stratagème apparu dans les années 20: la pyramide de Ponzi.

En 2009, plus de 15 000 articles dans le monde ont fait référence à ce type de fraude, selon le site de référence Eureka, comparativement à une centaine au cours des années précédentes.

Le cas le plus célèbre est celui du financier américain Bernard Madoff. La fraude de 50 milliards US a été mise au jour en décembre 2008, mais a surtout occupé les médias en 2009. En février, nouveau cas allégué de stratagème à la Ponzi, avec la déconfiture de la Stanford International Bank (7,2 milliards US). Et au Québec, l'affaire Earl Jones (75 millions), qui a éclatée en juillet, peut aussi s'apparenter à une pyramide à la Ponzi.

Charles Ponzi est le premier financier à avoir popularisé ce stratagème, en 1921 à Boston. Il a fait des dizaines de milliers de victimes, qui perdirent globalement plusieurs millions de dollars.

Comment fonctionne ce stratagème au juste? Essentiellement, le promoteur d'un Ponzi Scheme offre un rendement très intéressant aux investisseurs, soi-disant garanti, par exemple allant de 12 à 20%. Le rendement provient d'une affaire parfois légitime, parfois ésotérique, souvent complexe.

Comme ce rendement est inatteignable, le promoteur est incapable de puiser à même les recettes de son commerce pour rembourser les intérêts aux investisseurs. Les présumés intérêts viennent plutôt du capital des nouveaux investisseurs.

Tout baigne dans l'huile tant que les nouveaux investisseurs affluent, attirés par des rendements hors normes. Mais le scandale éclate dès qu'un nombre trop grand d'investisseurs veulent récupérer leurs billes en même temps. Le promoteur est alors incapable de combler leurs demandes, n'ayant pas d'entrées de fonds suffisantes des nouveaux investisseurs. C'est à ce moment que l'organisation s'effondre, à la surprise de tous.

La crise financière et la chute marquée de la Bourse à la fin de 2008 ont probablement joué un rôle dans les scandales récents. Elles ont notamment contribué à faire émerger les Ponzi Schemes de Bernard Madoff et d'Allen Stanford, convient Messaoud Abda, directeur du programme de criminalité financière de l'Université de Sherbrooke.

En effet, le capital accumulé des investisseurs, bien qu'amoindri par le stratagème, était placé en Bourse. L'effondrement des marchés a donc précipité l'écroulement des deux institutions.«Je vais me refaire»

Cela dit, les fraudeurs ne sont pas tous mal intentionnés dès le départ, croit Messaoud Abda. «Au début, ils ont parfois de bonnes stratégies. Puis, des difficultés surviennent et ils sont tentés de tricher et de camoufler des pertes. Ils se disent: «je vais me refaire.» C'est alors que commence le cycle infernal», dit M. Abda.

Le professeur met le financier Bernard Madoff dans cette catégorie. Certes, l'homme a vécu très richement durant les 48 ans qu'a duré son stratagème, mais au moment venu, il n'a pas tenté de cacher son crime.

Ce ne serait pas le cas d'Earl Jones, cependant. Selon l'enquête du syndic, le conseiller financier de l'ouest de l'île puisait allègrement dans les fonds de ses quelque 180 victimes. L'argent n'aurait même jamais été placé, nous dit l'avocat du syndic, Neil Stein. Les 7 et 8 décembre, Neil Stein a d'ailleurs interrogé Earl Jones. Selon lui, le financier ne manifestait aucun remord et faisait encore preuve d'arrogance.

Plus visible qu'avant

En apparence, le nombre de scandales financiers a augmenté ces dernières années. Avant Madoff et Jones, il y a eu les Norbourg, Mount Real, Norshield, Cinar, Nortel, Enron et Bre-X, entre autres.

Les enquêteurs et les observateurs avisés n'en croient rien. «Il n'y a pas une recrudescence incroyable de la criminalité financière. On la voyait simplement moins avant. Ce sont surtout les médias qui se sont intéressés au phénomène», dit M. Messaoud.

Même son de cloche d'un enquêteur de la police, sous le couvert de l'anonymat. «C'était la même chose il y a 20 ans, mais aujourd'hui, les médias en parlent parce que ça leur attire des lecteurs», dit-il.

Les efforts des autorités ne sont peut-être pas étrangers à la multiplication «apparente» des cas. Revenu Québec et Revenu Canada ont ajouté du mordant à leurs enquêtes. Même chose à l'Autorité des marchés financiers (AMF), où le nombre d'enquêteurs est passé de 47 à 120 depuis cinq ans.

En 2004, seulement huit dossiers occupaient les enquêteurs de l'AMF. Au début de 2009, le nombre d'enquêtes était passé à 84, après avoir atteint un sommet de 137 en 2008.

Et tout indique que le nombre d'enquêtes ne diminuera pas. «Nous recevons un volume d'appels téléphoniques record depuis l'affaire Jones et la publicité avec Guy Mongrain», nous dit le porte-parole Sylvain Théberge. Il ne peut dire si ces appels se traduiront par des plaintes et des enquêtes, cependant.

Les victimes se regroupent

Les médias y sont pour quelque chose, croit aussi Joey Davis, porte-parole du comité des victimes d'Earl Jones. Mais il estime que le changement d'attitude des victimes contribue à endiguer le phénomène. «Les victimes sont moins honteuses et osent se manifester», dit-il.

Contrairement aux autres scandales, l'affaire Earl Jones a d'ailleurs poussé les victimes à se regrouper et à faire pression sur les gouvernements. Le groupe a même été élargi, en quelques occasions, englobant les victimes des scandales Mount Real et Norbourg.

Le comité Earl Jones coordonne l'aide. Une trentaine de professionnels et volontaires (comptables, avocats, travailleurs sociaux, etc.) aident les victimes ébranlées par la fraude. Certaines personnes âgées se retrouvent sans le sou, dépossédé de leur maison et encore sous le choc.

Le comité a d'ailleurs demandé aux gouvernements fédéral et provincial d'instaurer un Programme d'aide et de recouvrement pour les victimes de crimes économiques. Cette aide temporaire servirait notamment à stabiliser la situation des victimes et à financer les poursuites. Elle pourrait s'apparenter à l'assurance emploi, qui aide les chômeurs dans l'attente d'un nouvel emploi.