Le Québec n'échappe pas à la mondialisation et au phénomène de délocalisation qui l'accompagne. Mais les emplois des ingénieurs québécois sont-ils menacés par les ingénieurs étrangers bien formés qui travaillent pour une fraction de leur salaire?

Au Réseau des ingénieurs du Québec, sans vouloir être alarmiste, on est inquiet. «Ce n'est pas la crise et ce ne sont bien sûr pas tous les genres de projets qui peuvent être délocalisés, mais on voit tout de même des usines qui déménagent et des contrats qui se donnent à des firmes étrangères», indique Étienne Couture, président du Réseau.

Par exemple, à l'usine de Bombardier Transport, à La Pocatière, une partie du travail est réalisée par des ingénieurs indiens employés par la multinationale.

«Nous sommes une entreprise présente dans plusieurs parties du monde et nous avons une façon globale de travailler. Nous avons aussi des ingénieurs dans nos installations de Saint-Bruno qui travaillent sur des projets chinois ou européens», explique Talal Zouaoui, porte-parole de Bombardier Transport.

En raison du décalage horaire, les ingénieurs indiens travaillent pendant qu'il fait nuit au Québec, ce qui favorise une certaine continuité dans le travail.

«Mais ce n'est pas qu'une question de décalage horaire, ni qu'une question financière. En tant qu'entreprise qui a une présence globale, il est normal que chaque endroit ne maîtrise pas toutes les expertises. Nous utilisons la force de chacun et nous travaillons en complémentarité», ajoute-t-il.

De plus, dernièrement, l'appel de soumissions pour le parachèvement de l'autoroute 30 a été remporté par deux firmes espagnoles, soit Acciona et Iridium.

«Ce sont deux grands leaders mondiaux en matière de partenariat public-privé. Il faut bien comprendre que pour des projets de cette ampleur, il est tout à fait normal d'aller sur la scène internationale pour aller chercher de l'expertise particulière. Les deux firmes espagnoles administrent le projet, mais les ingénieurs qui travaillent sur le terrain sont des Québécois», précise Marie-Claude Lavigne, directrice des communications et des relations publiques pour Nouvelle autoroute 30.

«C'est certain que pour ce projet, plusieurs emplois sont tout de même générés ici, mais il faut continuer d'outiller nos ingénieurs québécois pour faire face à cette concurrence étrangère», souligne M. Couture.

Miser sur des créneaux d'excellence

Pour tirer leur épingle du jeu dans ce marché mondialisé, les firmes d'ingénierie ont avantage à miser sur certains créneaux d'excellence.

«Les firmes doivent cibler leurs forces et se positionner comme des leaders mondiaux dans certains domaines», affirme le président du Réseau des ingénieurs du Québec.

BPR a adopté cette stratégie. «Il faut des spécialités, parce que sinon, on se fait battre par des ingénieurs indiens qui font un travail de qualité pour le tiers du coût. Nous réussissons à décrocher de grands contrats à l'étranger parce que les gens reconnaissent nos domaines de spécialisation», explique Pierre Lavallée, président de BPR.

Au Québec, la barrière de la langue vient aussi protéger d'une certaine façon le travail des ingénieurs québécois.

De plus, pour sa taille, le Québec compte de très grandes sociétés d'ingénierie. On n'a qu'à penser à SNC-Lavalin, véritable chef de file mondial.

Mais est-ce qu'un jour, les ingénieurs québécois seront constamment en concurrence avec des firmes étrangères pour des projets locaux?

«C'est possible, croit M. Lavallée. Il faut toujours demeurer vigilant.»