Avec le renouvellement de ses infrastructures, le Québec a grand besoin d'ingénieurs.

Dans ce contexte, reconnaître les diplômes des ingénieurs formés à l'étranger et faciliter leur intégration est un enjeu crucial. Mais il s'agit d'un processus complexe.

L'an dernier, une étape a été franchie avec la France.

L'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) a été le premier ordre professionnel de la province à signer un arrangement de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles des ingénieurs, dans le cadre de l'entente conclue par le gouvernement du Québec pour favoriser la mobilité des professionnels avec la France.

Grâce à cet arrangement, les ingénieurs français qui ont reçu des formations comparables à celles dispensées au Québec voient leurs diplômes reconnus automatiquement.

D'autres ententes existent entre l'OIQ et des universités de certains pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Près de 35% des nouvelles demandes de permis à l'OIQ sont faites par des candidats formés à l'étranger.

Mais pour les ingénieurs originaires de pays avec lesquels il n'existe aucune entente, les choses sont plus compliquées. Pour voir leur formation reconnue, ils doivent formuler leur demande de façon individuelle, et elle est évaluée par un comité d'examinateurs.

Si nécessaire, on leur indique ensuite quels cours ils devraient suivre pour compléter leur formation et répondre aux exigences de l'OIQ afin de pouvoir pratiquer le génie au Québec.

«C'est plus facile avec un certain nombre de pays industrialisés, où il y a des programmes comparables aux nôtres, explique Maud Cohen, présidente de l'OIQ. Mais l'étude du dossier est plus complexe dans le cas de certains pays africains ou d'Europe de l'Est, car nous n'avons pas d'ententes, et il n'y a pas d'organisme de normalisation de la profession dans ces pays.»

Protéger le public

Évidemment, la pression est grande sur les ordres professionnels pour accélérer le processus.

«Mais notre objectif est la protection du public. Lorsqu'une personne arrive, il faut que l'on soit capable d'évaluer son degré de compétence et de formation. On ne remplirait pas notre rôle de protection en laissant quelqu'un construire des ponts et des routes sans vérifier ses compétences», ajoute Mme Cohen.

Cette vérification s'avère laborieuse, le plus souvent parce que les ingénieurs immigrants, mal informés, arrivent ici sans tous les documents nécessaires.

À distance, il devient compliqué pour eux d'obtenir toutes les descriptions de cours, les lettres de recommandation et autres attestations dont ils ont besoin pour compléter leur dossier.

Dans cette optique, l'Ordre a décidé de mettre sur pied un site internet que les ingénieurs intéressés pourront consulter avant de venir au Québec.

Ils pourront suivre des formations en ligne pour déterminer leur degré d'avancement dans le cheminement, et découvrir quels documents sont nécessaires avant d'immigrer.

Une sensibilisation sera faite auprès des agents d'immigration afin qu'ils fassent connaître le site aux candidats.

«De cette façon, ils auront l'heure juste à propos des efforts à faire en arrivant ici pour accéder à la profession, et éviter bien des déceptions», dit la présidente.

L'intégration

Mais la reconnaissance des diplômes n'est pas tout. Encore faut-il que le marché du travail accepte d'intégrer ces ingénieurs nouvellement arrivés!

Et même pour ceux dont la formation est reconnue, ce n'est pas aussi facile qu'on pourrait le croire de dénicher un emploi.

«On sait que parmi les diplômés de l'étranger qui sont ingénieurs juniors ici, 12,9% sont au chômage, dit Étienne Couture, président du Réseau des ingénieurs du Québec. C'est beaucoup, considérant que le taux de chômage total chez les ingénieurs est de 3%.»

Auparavant, l'excuse utilisée pour justifier les difficultés des ingénieurs immigrés à trouver un emploi était qu'ils n'arrivaient pas à avoir leur permis.

Mais aujourd'hui, il faut reconnaître qu'il y a aussi un défi d'intégration à l'emploi et d'intégration culturelle au Québec, croit M. Couture.

Le Réseau a formé un comité afin de déterminer quel soutien il pourrait apporter aux diplômés de l'étranger pour intégrer la profession.

«Nous faisons de la sensibilisation auprès des employeurs sur les bénéfices des différences culturelles. Par exemple, quand un ingénieur arrive d'un autre pays, il y a des ajustements à faire, certes. Mais si l'entreprise doit un jour brasser des affaires avec son pays d'origine, sa présence devient un atout. Il faut savoir tirer parti des différences.»