Parce qu'ils sont responsables de la conception et de la réalisation de projets d'envergure, les ingénieurs sont au coeur de l'application du concept de développement durable.

C'est un privilège, mais aussi une responsabilité.

Tel est l'avis du Réseau des ingénieurs du Québec et de plusieurs acteurs importants dans la profession.

«Prenons l'exemple de la construction d'un édifice LEED (Leadership in Energy and Environmental Design). L'architecte arrive avec sa vision, mais c'est l'ingénieur qui doit trouver des concepts efficaces. Pour nous, il est donc très clair que l'ingénieur est au coeur de la mise en oeuvre du développement durable», affirme Étienne Couture, ingénieur et président du Réseau des ingénieurs du Québec.

Mais les ingénieurs ne sont-ils pas tributaires des demandes de leurs clients?

«Oui, mais l'ingénieur a la responsabilité de proposer des démarches qui tiennent compte des principes de développement durable, soit les aspects environnemental, social et économique», souligne Gaston Déry, vice-président développement durable chez Roche, Groupe Conseil.

Un stationnement vert

M. Déry donne l'exemple d'un client qui souhaitait construire un stationnement. La firme lui a finalement proposé de construire un stationnement vert.

«Au départ, le client ne comprenait pas, mais on lui a expliqué qu'on avait juste à aménager des aires de verdures et à utiliser une surface qui permet la percolation pour diminuer les risques de refoulement d'égout lors de fortes pluies. Le client a trouvé que ce n'était pas bête!» explique M. Déry.

Chez Pageau Morel, une firme qui a construit plusieurs édifices LEED, on remarque qu'il y a quelques années, la réalisation de projets qui intégraient véritablement les principes de développement durable était ponctuelle, alors que maintenant, c'est une tendance lourde.

«Et ce n'est ni plus ni moins qu'une révolution qui s'en vient», assure Roland Charneux, vice-président exécutif chez Pageau Morel.

«Le développement durable, c'est un peu comme le port de la ceinture de sécurité, remarque Gaston Déry. Au départ, personne ne la mettait et tranquillement, les gens ont commencé à le faire. Aujourd'hui, c'est un réflexe. Dans quelques années, ce sera la même chose avec les principes de développement durable.»

La société évolue et les ingénieurs doivent adapter leur pratique.

«C'est évident que les ingénieurs qui ont eu leur diplôme il y a 25 ans n'ont pas eu de notions de développement durable dans leur formation universitaire. Nous faisons donc de la sensibilisation et de la formation auprès de nos membres», indique Étienne Couture.

Le grand défi, c'est de montrer aux ingénieurs comment ils peuvent intégrer le développement durable dans leurs activités quotidiennes.

«Ça peut être dans la construction d'un pont, d'une route, dans tous les types d'industrie lorsque vient le temps de choisir des matériaux», explique Gaston Déry, qui est en train de concevoir une formation sur le sujet pour le Réseau des ingénieurs du Québec.

Combattre le préjugé du coût

Et quel est le plus grand défi à relever en matière de développement durable? À l'unanimité, les spécialistes interviewés s'entendent pour dire que c'est de vaincre la peur des gens de voir augmenter leurs coûts pour faire du développement durable.

«D'abord, il faut que les gens arrêtent de croire qu'intégrer des principes de développement durable coûte automatiquement plus cher», souligne M. Déry.

Réduire l'emballage de ses produits, revoir son trajet et son horaire de livraison, choisir des fournisseurs à proximité et orienter son édifice de façon à profiter au maximum du soleil pour chauffer son bâtiment sont toutes des solutions durables. Il faut aussi amener les gens à considérer d'autres facteurs que le dollar dépensé dans la réalisation de projets, croit M. Charneux.

«Dans leur vie personnelle, les gens n'achètent pas nécessairement la voiture la moins chère mais, pour de grands projets, ils ont tendance à ne voir que le coût de construction. Pourtant, il y a bien d'autres choses à considérer, comme le cycle de vie, les coûts d'entretien et l'impact environnemental.»