Stephen Harper a les yeux rivés sur l'Arctique afin d'affirmer la souveraineté nationale sur cette vaste région, et Churchill veut s'assurer que le premier ministre se rappelle bien d'elle et de son port de mer. Même si elle n'est pas au nord du 60e parallèle, la communauté pense qu'elle a un rôle majeur à jouer dans la vision nordique du Canada.

Son petit port, posé face à l'immense Baie d'Hudson, pourrait bien gagner du galon avec les changements climatiques et la fonte des glaces, qui permettront le passage de davantage de navires. Un «pont arctique» entre le Canada et la Russie n'est pas si loin. Et Churchill est convaincue d'être utile à l'affirmation de la souveraineté dans l'Arctique.

«Churchill, c'est l'une des clés du développement du Nord», dit l'ancien ministre fédéral Lloyd Axworthy, qui préside le conseil de la Churchill Gateway Development Corporation.  Selon lui, en plus de devenir un foyer important du commerce maritime canadien, Churchill doit devenir le centre nordique majeur du Canada, que ce soit en tant que centre d'approvisionnement, de surveillance ou de recherche.

Voilà qui sonne comme de la musique aux oreilles de Mike Spence, maire de Churchill depuis 14 ans. «Je sais que le port peut se développer. Il faut ouvrir les yeux : il y a des opportunités pour le Canada dans le nord, et Churchill est stratégiquement située.»

Le gouvernement fédéral reconnaît le potentiel de ce qu'il considère comme une plaque tournante de sa stratégie sur l'Arctique. Il a récemment accordé quelque 25 millions de dollars en subventions pour le port et le chemin de fer qui mène à Churchill. Il a aussi lancé plusieurs projets de recherche pour l'Arctique, dont certains sont basés à Churchill. Mais dans la Stratégie pour le Nord du Canada, publiée en 2009, le gouvernement est muet sur le rôle de Churchill.

Mike Spence en veut davantage et interpelle M. Harper, qui souhaite construire un port en eaux profondes plus au nord dans l'Arctique. «Le premier ministre doit effectuer un pas de recul et placer Churchill dans sa vision pour le Grand Nord. Si vous avez déjà un actif en main, utilisez-le !»

Mais pour que Churchill passe à un autre niveau, «il faudra beaucoup, beaucoup d'argent», dit Lloyd Axworthy, qui reçoit La Presse Affaires dans son bureau de l'Université de Winnipeg, dont il est le président et vice-chancelier.

De l'autre côté de l'Arctique, les Russes ont investi 5 milliards de dollars dans le port arctique de Mourmansk et ses accès ferroviaires, note-t-il.

Pour l'ancien ministre, la voie à suivre est simple. «Il faut que le port de Churchill devienne une priorité nationale.»