Au moment où plusieurs observateurs évoquent la reprise, Eric Sprott joue les éteignoirs. Pour lui, le mot «dépression» n'est pas trop fort pour décrire l'état de l'économie.

S'il est l'un des gestionnaires les plus en vue de Bay Street, il est aussi l'un des plus pessimistes. «Nous ne voyons pas l'économie même proche d'où plusieurs autres la voient», a dit M. Sprott, de passage à Montréal la semaine dernière dans le cadre d'une tournée nationale de sa firme de gestion de placements, Sprott Asset Management. Les dernières données américaines ont déçu: les ventes de voitures sont carrément déprimantes, le taux de chômage atteint 10%. Et le PIB canadien est resté au neutre en juillet.

«La situation va au-delà de la récession», soutient M. Sprott. Et ça ne s'améliorera pas, selon lui.

«Quand les programmes de stimuli vont venir à leur terme, on reprendra probablement la contraction économique», ajoute-t-il.

M. Sprott affirmait la semaine dernière au Globe and Mail que les marchés actuels étaient les plus difficiles de sa carrière. Et cette situation risque de se poursuivre, selon son analyse.

Il ne croit pas à la dernière remontée boursière et prévoit que le marché va retomber encore plus bas que les creux de la dernière année.

Ses portefeuilles sont encore sous-pondérés en financières, ce qui a joué contre lui dans les six derniers mois, concède-t-il.

Mais il soutient que les plans pour sauver les grandes banques n'ont rien réglé. Et que la société devra un jour payer pour tous les sauvetages organisés aux frais de l'État. «Les gouvernements ont pelleté le problème», lance-t-il.

L'or, l'or, l'or

Dans ce contexte, M. Sprott tient toujours en haute estime le plus précieux des métaux, et n'entend pas le lâcher de sitôt dans une économie dépressive. «Il n'y a qu'une seule chose qui fonctionne dans un marché baissier, il n'y a qu'une façon prudente de jouer: l'or.»

Depuis 10 ans, M. Sprott a intégré et maintenu des positions aurifères dans ses fonds. Depuis ce temps, l'or a pris plus de 300%, et continue de bien faire aujourd'hui. «Le buy-and-hold n'est pas mort, a-t-il dit pendant son allocution devant un auditoire de gestionnaires et clients. Tout dépend de ce qui est l'objet de cette stratégie.»

«Les marchés haussiers durent longtemps dans le secteur de l'or, a précisé M. Sprott pendant une entrevue accordée à La Presse Affaires. Le marché actuel ne fait pas exception.» Le prix de l'or est en hausse depuis une dizaine d'années maintenant, alors que certains marchés haussiers ont duré plus de 15 ans, note-t-il.

En mars dernier, Sprott Asset Management a lancé un fonds entièrement constitué de lingots d'or. Le résultat n'est pas très probant, jusqu'à maintenant avec un rendement négatif de -9,3% de l'ouverture jusqu'à la fin du mois d'août.

Mais l'or demeure «l'endroit où demeurer», assure le gestionnaire vedette, qui a néanmoins ajusté sa stratégie dans les derniers mois en se tournant davantage vers les sociétés aurifères.

«Quand le lingot monte de 20%, les résultats des sociétés aurifères augmentent peut-être de 40%», explique M. Sprott.

L'or navigue actuellement autour des 1000$ US l'once, et un prix de 2000$ est dans les cartons d'Eric Sprott, même s'il est difficile pour lui de dire exactement quand cela se produira.