Débâcle financière, remise en question de la rémunération des cadres, pertes historiques à la Caisse de dépôt, fiasco à l'UQAM, apparences de conflits d'intérêts à la Ville de Montréal, code d'éthique élastique au gouvernement du Québec: les questions de gouvernance n'ont jamais été autant d'actualité. Ni jamais autant fait rager les citoyens. Mais comment a-t-on pu dérailler à ce point?

«Je pense que beaucoup d'organisations se sont aperçues que le processus décisionnel n'a pas été suivi de façon adéquate et que bien souvent, les conseils d'administration ont manqué de vigilance. C'est ainsi qu'on a assisté à un dérapage», affirme Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques.

«Il faut maintenant revoir les mécanismes de gouvernance des organisations», ajoute-t-il.

Selon Luc Villeneuve, président de l'Institut des administrateurs de sociétés - section Québec et président de Samson Bélair Deloitte & Touche au Québec, ce qui fait la grande différence en matière de gouvernance, c'est d'abord et avant tout la qualité et la complémentarité des gens qui siègent au conseil d'administration d'une société.

«Les membres du conseil d'administration doivent avoir la capacité de bien jouer leur rôle et ils doivent être équipés pour affronter les différents défis qui se présentent à eux», affirme-t-il.

En effet, dans bien des dossiers chauds, ce qui a fait tant de vagues, d'après Michel Nadeau, c'est qu'on s'est aperçu que des cadres ou des administrateurs avaient un second agenda.

«Ces personnes n'étaient pas à 100% loyales à la société qui les embauchait et des questions de conflits d'intérêts sont apparues, dit-il. L'opinion publique souhaite que cela cesse et que les mécanismes de gouvernance soient respectés.»

Négligence?

Mais pour arriver devant une crise aussi profonde, peut-on affirmer qu'on a été négligent par rapport aux questions de gouvernance?

«Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on a été négligent, affirme M. Nadeau. Je crois plutôt qu'on ne savait pas trop quels étaient les besoins en matière de gouvernance et là, devant le désastre financier et les différents types d'abus, on a eu l'impression de s'être fait avoir et du coup, les attentes sont devenues plus élevées.»

Il semble que la gouvernance, comme l'économie, suive des cycles au fil des ans, remarque pour sa part Thierry Dorval, associé, gouvernance et responsabilité des administrateurs chez Ogilvy Renault.

«Après la crise économique des années 30, on a créé un nouvel encadrement pour obliger les compagnies à donner plus d'information à leurs actionnaires. Ensuite, au début des années 2000, après les scandales d'Enron et Worldcom, il y a eu la loi Sarbanes-Oxley qui a imposé de nouvelles règles et maintenant, le cycle se poursuit.», explique-t-il.

À ses yeux, c'est une façon de rassurer la population et de lui redonner confiance en l'économie après une crise.

Toutefois, si les règles de gouvernance s'appliquent aux sociétés cotées en Bourse, les différents ordres de gouvernement et les organismes parapublics ne sont pas rendus au même niveau, remarque Yves Nadeau, associé, certification et gestion des risques chez RSM Richter Chamberland.

«Il y a eu du progrès, affirme-t-il, mais on n'y retrouve généralement pas la même rigueur que dans les sociétés ouvertes qui ont un code d'éthique, un comité de vérification et un comité de gouvernance. Sans aller aussi loin dans la réglementation, je crois que les gouvernements, les sociétés parapubliques et même, les PME, devraient s'inspirer des meilleures pratiques de gouvernance des sociétés cotées en Bourse.»