Les nuages se dissipent progressivement sur l'affaire Earl Jones, qui fait les manchettes depuis maintenant six semaines. Hier, le syndic RSM Richter a indiqué à La Presse Affaires que les victimes allèguent avoir perdu près de 75 millions de dollars.

Ce montant correspond plus précisément à la somme de l'ensemble des réclamations reçues pour l'assemblée des créanciers, mardi dernier, de la Corporation Earl Jones, en faillite. Le syndic a fait le cumul des réclamations et tout compte fait, 151 créanciers réclament 74,49 millions.

Au cours des dernières semaines, différents chiffres ont circulé sur cette présumée fraude. Certains avançaient même la somme de 100 millions de dollars. Pour sa part, l'Autorité des marchés financiers (AMF) parlaient de 30 à 50 millions et d'une cinquantaine d'investisseurs dans son premier communiqué, le 10 juillet.

Fait à préciser, le syndic n'a pas validé le chiffre de 74,5 millions. «On fera l'analyse au moment venu s'il y a des fonds à distribuer», indique Neil Stein, l'avocat qui représente le syndic.

Neil Stein fait remarquer que les réclamations sont basées sur les états de compte fictifs que fournissaient M. Jones aux victimes. L'actif qui y est indiqué est basé sur un rendement annuel composé des fonds qui est loin de la réalité, par exemple 8 à 12%.

Comme l'effet composé des rendements devrait être beaucoup plus faible, les réclamations finales, le cas échant, devraient être beaucoup moindres, nous explique M. Stein. «Ce sera beaucoup moins que 75 millions», croit M. Stein.

D'autre part, la liste des créanciers comprend non seulement les victimes, mais également les fournisseurs réguliers de la Corporation Earl Jones. Par exemple, le propriétaire de l'immeuble où l'entreprise avait ses affaires réclame des arrérages de loyer de quelque 9000$, nous dit M. Stein.

Le syndic nous indique cependant que les créanciers autres que les victimes sont très peu nombreux. Leurs réclamations sont peu élevées, nous dit M. Stein, si bien que l'essentiel des 74,5 millions peut être attribués aux victimes.

Dans son rapport déposé mardi, le syndic écrit que M. Jones a fait des retraits personnels ou irréguliers de 12,3 millions de dollars sur 15 ans à même les fonds de ses clients. Ces retraits, qui viennent essentiellement du compte en fidéicommis de la Banque Royale, ont été faits pour l'achat de voitures ou de condos, l'éducation des enfants ou le paiement de cartes de crédit personnelles, par exemple.

Pour l'instant, le syndic n'a obtenu des données que pour 15 des 23 années ciblées de son enquête. En ajoutant les huit années manquantes, soit de 2000 à 2007, le représentant du syndic, Gilles Robillard, estime que les retraits irréguliers pourraient excéder les 20 millions.

Earl Jones, 67 ans, s'est livré à la police le 27 juillet. Il a été libéré le lendemain moyennant une caution de 30 000$ fourni par un membre de sa famille. La Sûreté du Québec poursuit son enquête.