Si les présumées victimes d'Earl Jones sont soulagées de savoir que le conseiller financier est enfin arrêté, elles doutent que le Montréalais reçoive «la peine qu'il mérite».

«Je voudrais qu'il souffre même juste la moitié de ce que nous avons souffert, lance Christiane Jackson. J'ai perdu au-delà de 1 million... c'est épouvantable!»

La succession de son défunt mari, qui valait 4 millions de dollars, est aussi apparemment partie en fumée. Tout comme les 200 000$ investis par sa fille. Mme Jackson doit même vendre sa maison, qu'Earl Jones l'avait convaincue d'hypothéquer.

La Montréalaise de 66 ans n'a plus rien. Si l'arrestation de son ancien conseiller financier représente enfin une bonne nouvelle, elle ne change rien à sa nouvelle vie. «Il y a un soulagement, car il a été arrêté, mais je dois toujours payer mes factures», dit-elle.

Earl Jones, qui s'est livré à la Sûreté du Québec hier, doit comparaître ce matin au palais de justice de Montréal. Selon son avocat, il devrait être accusé de vol et de fraude.

Des peines plus sévères?

Cherie Beluse, dont la mère de 62 ans a probablement aussi perdu toutes ses économies, veut que le conseiller financier reçoive «la peine qu'il mérite». «Pour avoir ruiné la vie de 170 individus, personne ne veut voir Earl Jones quitter la prison après avoir purgé le sixième de sa peine comme Vincent Lacroix, dit-elle. Sa peine doit être sévère.»

Mme Beluse a créé le groupe Facebook intitulé Swindled by Earl Jones Corp. («Escroqués par Earl Jones Corp.»). Cet après-midi, la résidante de Cleveland prendra l'avion en direction de Montréal. Elle est l'une des organisatrices de la manifestation qui doit avoir lieu demain, devant le palais de justice, à partir de 9h.

Son groupe revendique des peines plus sévères pour les fraudeurs. «Faisons de Earl Jones un Bernard Madoff», dit Cherie Beluse.

Si Madoff a été condamné à 150 ans de prison, Joey Davis ne se fait pas d'illusions en ce qui concerne Earl Jones. «Je ne suis pas trop optimiste. Mais espérons que justice sera rendue», dit le Montréalais, dont la mère a perdu plus de 200 000$. M. Davis suivra le procès de près. «Nous voulons des réponses à nos questions», dit-il.

En attendant la suite des choses, Cherie Beluse veut que le combat des investisseurs qui auraient été floués ne soit pas seulement le leur et celui de leurs proches. Elle cite l'exemple de sa mère, qui menait une belle vie et qui doit maintenant survivre avec les 180$ que lui verse chaque mois le gouvernement du Québec. À 62 ans, elle n'a pas encore droit à la pension de la Sécurité de la vieillesse du gouvernement fédéral.

«Les victimes étaient des gens indépendants financièrement, souligne Mme Beluse. Elles doivent aujourd'hui se tourner vers les services sociaux. Ce sont nos impôts. Cela nous touche tous.»

Chronologie des événements

Mercredi 8 juillet

Alarmés par la réception de chèques sans fonds et par les appels sans réponse au bureau d'Earl Jones, des investisseurs communiquent pour la première fois avec l'Autorité des marchés financiers.

Jeudi 9 juillet

Deux comptes appartenant à Earl Jones sont fermés à la Banque de Montréal.

Vendredi 10 juillet

Après enquête, l'AMF obtient une ordonnance judiciaire pour faire geler les autres comptes d'Earl Jones, mais ils sont déjà pratiquement vides. Earl Jones est introuvable.

Dimanche 12 juillet

Une centaine d'investisseurs floués assistent à une séance d'information avec des avocats ainsi que des enquêteurs de la police et de l'AMF.

Mardi 14 juillet

En entrevue au réseau CTV, le frère de Jones, Bevan, affirme avoir lui aussi tout perdu à cause de lui.

Mercredi 15 juillet

Jadis nantis et convaincus d'avoir amassé suffisamment d'argent pour leur retraite, certains investisseurs ruinés doivent se tourner vers l'organisme caritatif Jeunesse au Soleil.

Dimanche 19 juillet

La femme et les deux filles d'Earl Jones expriment leur «profond regret» pour la souffrance que le financier déchu a causée.

Mardi 21 juillet

L'avocat d'Earl Jones, Me Jeffrey Boro, affirme que son client est de retour au Canada après avoir passé quelques jours au Massachusetts chez l'une de ses filles. Il aurait «des idées suicidaires» et collabore avec la police par l'entremise de son avocat.

Lundi 27 juillet

Accompagné de son avocat, Earl Jones se livre aux policiers de la Sûreté du Québec devant un immeuble à bureaux du Vieux-Montréal.