Alors qu'il demeure introuvable, le financier montréalais Earl Jones suscitait hier la colère de plusieurs dizaines de victimes sur l'internet. «Frustrant», «dégueulasse», écrivaient certains à l'égard de celui qui les aurait dépouillés de dizaines de millions de dollars.

La déclaration publique de l'avocat de M. Jones, Jeffrey K. Boro, selon lequel son client se trouve toujours au Canada et est dépressif, n'a aucunement calmé la grogne.

«S'il avait vraiment voulu se tuer, il l'aurait déjà fait, écrit Sam Lasso. Cet avocat veut simplement que nous nous sentions coupables.» «Avec quel argent Jones peut-il voyager, s'engager une firme de relations publiques et obtenir les services d'un avocat criminaliste pour parler aux médias?» se demande, exaspéré, Ian Carl Smith, de Montréal.

Sur Facebook, le groupe Swindled by Earl Jones Corp. («Escroqué par Earl Jones Corp.») est le forum le plus actif. Une centaine de membres s'y échangent les dernières nouvelles, rassemblent des entrevues et des articles sur l'affaire et s'encouragent, tout simplement. Sa fondatrice, la Montréalaise Cherrie Beluse, estime que près de la moitié des membres sont des victimes d'Earl Jones. Elle-même a lancé ce groupe après qu'elle eut appris que sa mère et son conjoint avaient perdu leurs économies dans cette fraude.

Une première version de ce forum, qui comptait déjà quelque 80 membres, a été retirée par Facebook parce qu'on y attaquait personnellement Earl Jones. Dans la nouvelle mouture, on a pris soin de viser l'entreprise, et non l'homme, précise Mme Beluse. «On ne veut pas vraiment qu'il arrive quoi que ce soit à M. Jones; on serait vraiment déçus qu'il lui arrive quelque chose avant qu'il ait pu s'expliquer aux victimes, qu'il puisse faire une sortie publique, dire où est l'argent.»

Les membres du groupe sont particulièrement outrés que la fraude d'Earl Jones ait visé en particulier ses proches et des personnes âgées, signale-t-elle. L'autre sujet qui revient souvent, c'est le constat que la famille Jones, manifestement, a encore de l'argent.

«La famille Jones devrait offrir son aide, d'une manière ou d'une autre, écrit Bcd Hallman. Elle a vécu de l'argent des autres pendant des années. Elle devrait au moins faire un don. La famille devrait rendre l'argent qu'Earl Jones s'est payé en salaire.»

Le comportement de la Sûreté du Québec laisse également un goût amer à certaines victimes. Aucun mandat d'arrêt n'a été lancé, aucune accusation n'a encore été portée contre le financier. Seule l'Autorité des marchés financiers a ordonné le gel de ses actifs le 10 juillet dernier parce qu'elle soupçonnait une fraude pyramidale de 30 à 50 millions.

«Personnellement, j'ai beaucoup de ressentiment parce que, tout ce temps, la police savait où il était et ne nous l'a pas dit, déplore Gillian Newcomb, de Toronto. Restez à l'écoute pour un autre épisode des Jeux dégueulasses, où Earl Jones va nous dire qu'il a fait une grosse gaffe et qu'il est très, très désolé... mais que tout l'argent a disparu!»