Les faillites de GM et Chrysler n'ont pas les mêmes conséquences pour tout le monde. Alors que concessionnaires, créanciers, actionnaires et employés souffrent, les avocats empochent des centaines de millions de dollars. Certains facturent jusqu'à 1000$ l'heure.

Ce qu'il y a de formidable dans la profession d'avocat, c'est qu'elle permet de gagner gros, peu importe la situation. Quand l'économie roule à pleine vapeur, les avocats font une fortune avec les fusions et acquisitions. Lorsque ça va moins bien, ce sont leurs collègues en faillites et restructurations qui touchent le magot.

Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes personnes qui travaillent sur des dossiers aussi distincts, mais qu'importe, puisque les profits tirés des honoraires vont tous à la même place: dans les poches des associés seniors des grands cabinets.

Les avocats, dans le fond, sont un peu comme des curés. Les curés du capitalisme, en quelque sorte. C'est à eux que les patrons d'entreprises se confient quand ils ont des projets ou des problèmes. C'est à eux qu'ils font appel pour le baptême, le mariage et la mort de leurs entreprises.

Ces temps-ci, justement, les avocats-prêtres sont débordés avec les funérailles et la résurrection espérée de Chrysler et GM, ces deux constructeurs automobiles américains qui ont dans les derniers jours déposé leur bilan aux États-Unis.

Ils sont d'ailleurs une flopée à travailler sur ces dossiers. On estime en effet à plus de 500 le nombre d'avocats à avoir été retenus durant les négociations de sauvetage avec les gouvernements canadien et américain, un record sans précédent.

Quand on parle d'une armée de 500 avocats, c'est bien entendu pour représenter l'ensemble des intervenants, c'est-à-dire les gouvernements, les constructeurs, les détenteurs d'obligations, les créanciers et les syndicats. Il n'empêche que le chiffre paraît tellement énorme qu'il impressionne même ceux impliqués dans l'affaire.

«On a l'impression de vivre une page d'histoire», a d'ailleurs déclaré cette semaine au LAW Times Tony DeMarinis, un avocat de Toronto représentant GMAC.



Chacun sa part


Au Canada, on estime à plus de 50 le nombre d'avocats impliqués dans cette restructuration historique. Vu que l'industrie automobile est surtout concentrée en Ontario, ce sont surtout les avocats des grands et moyens cabinets de Toronto qui ont droit à la plus grosse part du gâteau.

Mais lesquels au juste?

Osler, Hoskin & Harcourt représente GM dans ses efforts de restructuration de la division canadienne. Lax O'Sullivan Scott agit pour le conseil d'administration de GM Canada, alors que le cabinet Goodmans, également de Toronto, représente le gouvernement ontarien.

McCarthy Tétrault est du côté de Chrysler Canada, alors que McMillan représente Exportation et développement Canada. Le gouvernement fédéral a de son côté choisi une équipe de Cassels Brock & Blackweel.

Blake, Cassels & Graydon a réuni une équipe pour représenter un groupe de détenteurs d'obligations. Law.com soutient que McCarthy - encore eux! - représente également Appaloosa Management, un autre détenteur d'obligations.

Enfin, GMAC, division financement de GM, est représenté par Torys, de Toronto.

Un des points centraux des restructurations de GM et de Chrysler est que les deux constructeurs ont déposé leur bilan aux États-Unis, mais pas au Canada. C'est plutôt rare, car habituellement, dans les restructurations transfrontalières, les entreprises demandent la protection des tribunaux des deux côtés de la frontière. Dans ce cas-ci, il semble que l'urgence de la situation et le fait que la grande majorité des créanciers et détenteurs d'obligations soient basés aux États-Unis ont fait pencher la balance.

Autre élément qui a été considéré, la différence entre les législations américaine et canadienne en matière de faillite. Aux États-Unis, le code permet aux entreprises de répudier les conventions collectives dans leur tentative de s'entendre à la fois avec les banques, les créanciers et leurs employés. Au Canada, c'est beaucoup plus compliqué.

Combien ça coûte?

Ce qu'il y a de fascinant dans ces restructurations, c'est que l'on connaît déjà les perdants et les gagnants. Les actionnaires, les employés et surtout les contribuables vont payer la note, et Dieu sait qu'elle sera salée. En revanche, les avocats vont empocher le plus gros magot de toute l'histoire des faillites américaines.

L'automne dernier, quand Lehman Brothers a déposé son bilan, les experts prévoyaient que cette faillite allait coûter 1,4 milliard de dollars américains en frais d'avocats et en services professionnels de toutes sortes. De septembre à décembre 2008, le cabinet new-yorkais Weil Gotshal  &  Manges (WGM) chargé de l'affaire avait d'ailleurs déjà facturé 55 millionsUS, auxquels il fallait ajouter 110 millionsUS facturés par les autres cabinets. Le taux horaire demandé par les associés impliqués dans le dossier variait entre 795$ et 950$US, mais Thomson Reuters affirmait en avril qu'une douzaine d'avocats de WGM avaient facturé du temps à plus de 1000$US l'heure.

Pour GM, on s'attend à ce que les honoraires exigés par Weil Gotshal  &  Manges et Dewey  &  LeBoeuf LLP - autre cabinet de New York - soient dans les mêmes eaux. En février, Bloomberg suggérait qu'une faillite de GM pourrait coûter jusqu'à 1,2 milliardUS en frais professionnels, selon la durée de la restructuration.

Le mois dernier, la même agence de presse estimait à 372 millions US le coût de la faillite de Chrysler. Seulement en frais d'avocats. De novembre 2008 à mai 2009, Chrysler avait d'ailleurs déjà versé près de 19 millionsUS au cabinet Jones Day, de Chicago, dans l'espoir d'éviter la faillite.

Manifestement, ça n'a pas fonctionné...

Vous avez des commentaires? Des questions? Des nouvelles sur la communauté juridique? N'hésitez pas à joindre notre collaborateur: renelewandowski@droit-inc.com