Le dynamisme des métropoles repose de plus en plus sur leur capacité à générer des idées.

Ainsi pense Robert E. Lucas, lauréat du prix Nobel d'économie de 1975 et conférencier d'ouverture du 34e congrès de l'Association des économistes québécois. Les travaux qui se poursuivent aujourd'hui portent sur les grandes villes en tant que locomotives du développement économique et sur l'évaluation du rôle de Montréal.

«Les gens des grandes villes sont de plus en plus occupés non pas à fabriquer, mais à penser ou à converser, a-t-il indiqué pour lancer la réflexion des quelque 350 congressistes. C'est devenu l'activité principale des villes modernes.»

 

Il a ainsi donné l'exemple du New York Times, réputé quotidien conçu et produit dans la Grosse Pomme, mais imprimé au New Jersey, là où les terrains coûtent moins cher.

Avant d'évoquer cette idée qu'il n'est pas seul à promouvoir, M. Lucas avait brossé à gros traits les grandes étapes de la croissance économique. Jusqu'à la révolution industrielle, les villes vivaient des surplus de l'agriculture et abritaient surtout les grands propriétaires terriens, leur personnel et les savants à leur service. Croissances démographique et économique allaient de pair.

La révolution industrielle a accéléré la création de richesse en attirant dans les villes de plus en plus de paysans, jusque-là astreints à cultiver de manière peu productive.

Sortir la majorité des gens de la production agricole est donc une condition préalable à la création soutenue de richesse. Cette idée n'est cependant pas nouvelle: Karl Marx l'a explorée longuement dans Le Capital. C'est encore vrai de nos jours dans les économies en développement: des familles sont prêtes à quitter leurs terres dans l'espoir d'une meilleure condition, quitte à s'entasser des années durant dans des bidonvilles, a noté M. Lucas, farouche défenseur du libéralisme économique.

Il a aussi établi une relation statistique entre le dynamisme des villes et la croissance. «La somme de la richesse, c'est davantage la connaissance et les idées nouvelles que l'accumulation du capital», a-t-il soutenu.

Les villes restent le moteur de la croissance, car c'est en elles que naissent les technologies et que fleurissent les idées novatrices. Cela suppose aussi qu'elles évoluent dans un environnement ouvert, favorable au commerce et aux échanges, a-t-il rappelé.

La ville nourrit aussi l'agriculture grâce à la mise au point de technologies. Cela suppose cependant que les travailleurs agricoles soient suffisamment instruits pour se les approprier. Voilà pourquoi, à ses yeux, certains États assez bien gouvernés comme la Thaïlande n'ont pas les mêmes succès économiques que la Corée ou la Malaisie voisines.

L'économiste, toujours actif à l'Université de Chicago, a enfin noté que même avec les villes qui génèrent les meilleures idées, les économies les plus avancées auront une croissance contenue à 2% ou 3%, ce qui reste supérieur à l'augmentation de leur population. «Elles n'ont pas de rattrapage ou d'adaptation à faire.»

M. Lucas a été présenté aux congressistes par le vice-président de l'Institut économique de Montréal, Marcel Boyer, comme «l'économiste le plus influent des 40 dernières années». M. Boyer a eu M. Lucas comme professeur pour ses études de doctorat à Pittsburgh.