C'est à n'y rien comprendre. Certains prétendent que l'environnement est complètement occulté par la crise économique. D'autres affirment que les dirigeants du monde n'ont jamais autant misé sur l'environnement, afin de relancer, justement, leur économie.

Qu'en est-il au juste, au lendemain de la rencontre du G20 où les pays se sont engagés à donner une teinte verte à leurs plans respectifs «afin de susciter une relance dynamique, durable et soucieuse de l'environnement» ?

Des mots, des mots, encore des mots, diront les plus cyniques. Or, un examen détaillé des annonces faites par les plus grandes économies révèle que certains n'ont pas pris cette promesse à la légère.

«L'approche privilégiée dans plusieurs pays est très prometteuse, confirme Hugo Séguin, expert des changements climatiques chez Équiterre. On mise sur des grands systèmes de transport, sur des réseaux énergétiques intelligents, etc. Certains pays ont bel et bien intégré le discours d'économie verte à leur plan de relance.»

Les États-Unis en sont un bel exemple. Selon les évaluations de la banque HSBC, sur les 972 milliards de dollars US annoncés par le gouvernement américain à ce jour, plus de 112 milliards sont directement consacrés à des «mesures vertes» ...

Plus de 112 milliards. De dollars. Américains. Pour l'environnement.

Répétons-le, tant il est facile de perdre le sens des proportions en ces temps d'investissements astronomiques.

Bien que le second plan de relance de Washington ait rogné dans les initiatives environnementales du premier, il n'en résulte pas moins qu'un ensemble de mesures concrètes seront déployées pour développer les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et le transport durable, principalement.

Premier pas en ce sens, le président Obama a annoncé jeudi dernier un vaste projet de développement du train à grande vitesse, un chantier de 10 milliards US (enveloppe de départ) que l'on compare déjà à la création du réseau d'autoroutes qui a révolutionné le transport au sud de la frontière, au cours des années 50.

Mesures vertes

N'en déplaise aux oiseaux de malheur, des exemples comme celui-là, il y en a plusieurs sur la planète actuellement.

L'Allemagne, par exemple, dont 19% du plan de relance est lié à l'environnement, compte améliorer significativement l'efficacité de son parc immobilier.

La Corée du Sud, grand champion mondial des mesures vertes avec un plan consacré à 69% aux mesures vertes, misera sur un important développement de son réseau ferroviaire.

Surprise! Même la Chine, à qui le Canada demande d'en faire plus pour l'environnement, accordera aux initiatives vertes un impressionnant 38% des 586 milliards de son plan (toutes ces sommes sont en dollars américains). Il est question de créer des autos moins polluantes, d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments et d'accélérer les investissements en énergie renouvelable.

«Ces investissements, soulignait récemment Achim Steiner, secrétaire général adjoint des Nations unies, offrent la chance de traiter des crises immédiates et la possibilité de commencer à esquisser une réponse à celles qui se présentent à l'horizon.»

Le Canada, lui?

Beaucoup moins évident. Comme l'Italie et le Japon, le pays ne mise pas sur l'environnement pour se sortir du marasme économique.

Sur les 31 milliards de dollars annoncés par Ottawa, à peine 2,6 milliards sont en effet consacrés à des initiatives vertes, soit 8%, selon HSBC. Et ce, si l'on inclut le nucléaire dans les sources d'énergie vertes...

Fait significatif, alors que plusieurs États entendent profiter de la situation pour «décarboniser» leur économie en misant sur les énergies renouvelables, le gouvernement fédéral a décidé d'aller en sens inverse. Il a mis la hache dans le programme écoENERGIE, ce qui signifie, par exemple, qu'aucun nouveau projet éolien ne pourra être financé avant la fin du prochain exercice financier, selon l'Association canadienne de l'énergie éolienne.

«Ce budget réduira notre capacité à faire concurrence aux États-Unis», a déploré le président de l'Association, Robert Hornung.

Pourtant, c'est le premier ministre Harper lui-même qui soutenait, à la fin du mois d'octobre dernier, que «nous ne pouvons séparer les politiques environnementales et économiques», un discours que tiendront d'ailleurs aujourd'hui, à Paris, les représentants d'une trentaine de pays réunis pour le sommet «Business for the Environment» chapeauté par l'ONU.

Le Canada, lui, n'y sera pas.

francois.cardinal@lapresse.ca