C'est un peu le monde à l'envers. La semaine dernière, le patron d'un grand cabinet d'avocats pancanadien a profité de notre conversation à bâtons rompus pour me poser une question: «Mon cabinet cherche à représenter un acheteur potentiel du Canadien de Montréal, t'en aurais pas un sous la main par hasard?»

Mettons tout de suite une chose au clair. Depuis que George Gillett a peut-être mis en vente son club de hockey, plusieurs acheteurs potentiels se sont déjà manifestés. Mais vous pouvez parier une ou deux rondelles qu'il y a pas mal plus d'avocats que d'acquéreurs qui ont montré le bout de leur nez!

 

Pas vraiment pour l'argent, car en ce qui concerne la taille et la complexité juridique, une vente des Glorieux n'aurait rien d'exceptionnel. On parle d'un prix oscillant entre 350 et 500 millions de dollars, rien à voir avec les 50 milliards de la vente avortée de BCE. Vrai, pour les avocats, les honoraires seraient intéressants, surtout en ces temps où les transactions sont rarissimes, mais pas comparables à ceux touchés durant les années de vaches grasses de 2006 et 2007.

Non, si à peu près tous les avocats en ville rêvent d'être impliqués d'une façon ou d'une autre dans la vente du Canadien, c'est pour le glamour, le prestige, pour la fierté de pouvoir dire un jour «J'y étais».

Or justement, quels sont les cabinets les plus susceptibles de prendre une bouchée de cette transaction si jamais elle se matérialisait? À la veille des séries éliminatoires, c'est le moment de faire quelques prédictions...

> Stikeman Elliott

En 2001, lorsque George Gillett a acquis le Canadien de la brasserie Molson, c'est Stikeman Elliott qui le représentait, avec une équipe composée d'une demi-douzaine d'avocats, dont Pierre Raymond, devenu depuis le président du conseil du cabinet. Stikeman a depuis réalisé plusieurs mandats pour le Groupe Gillett, notamment en 2006 lors du refinancement du Centre Bell et la division Sports et spectacles, ce qui avait permis à Gillett de rembourser ses dettes à la Caisse de dépôt et à Molson Coors, une affaire de 132 millions de dollars. Aucun doute, si Oncle George vend le Canadien, Stikeman sera aux premières loges. Les avocats doivent déjà être très très occupés...

> Heenan Blaikie

Heenan, c'est un peu le cabinet des opérations courantes du groupe Gillett et du club de hockey. Ce cabinet compte aussi sur un associé pas mal connu dans le milieu sportif: Marcel Aubut. Si le Canadien est vendu, il y aura du boulot pour les avocats de Heenan, probablement en vérification diligente.

> McCarthy Tétrault

En 2001, ce cabinet s'est retrouvé au coeur de la vente du Canadien et du Centre Bell en représentant les vendeurs, Molson Inc. Il est fort probable que McCarthy soit encore sur les rangs cette année du côté de Molson Coors. Petite question, toutefois, l'associé Thomas Davis, qui était l'un des leaders de l'équipe juridique, est passé en 2007 chez Ogilvy Renault. Cela changera-t-il quoi que ce soit dans la dynamique, étant donné que les clients suivent généralement leurs avocats? Peu probable dans ce cas-ci.

> Ogilvy Renault

Il y a huit ans, ce cabinet a représenté la Caisse de dépôt et placement du Québec et le syndicat des prêteurs, qui, rappelons-le, avaient allongé un prêt de 140 millions de dollars à George Gillett pour financer la transaction. Ogilvy sera-t-il du côté de la Caisse cette fois-ci? Ça serait étonnant, si l'on se fie aux acheteurs potentiels mentionnés dans les médias. Quebecor et Guy Laliberté - avec le Cirque du Soleil - sont deux très gros clients depuis très longtemps. Et si l'un d'entre eux décidait d'aller de l'avant, les avocats d'Ogilvy seraient à ses côtés. S'ils disaient non, Ogilvy pourrait se retourner et représenter un autre acheteur potentiel dont les noms ont déjà été évoqués, Stephen Bronfman ou Joey Saputo. Chose certaine, c'est bien plus payant pour un cabinet de représenter un acquéreur qu'un prêteur.

> Davies Ward Phillips

Davies s'y connaît dans le domaine du sport professionnel: après tout, le cabinet a longtemps fait du boulot pour les Expos. Cette fois-ci, mon petit doigt me dit que Davies sera du côté de la famille Molson, si jamais elle décidait de redevenir propriétaire des Glorieux.

> Fasken Martineau

Hum, dur à dire de quel côté de la clôture se retrouvera ce cabinet. Mais il sera là, si l'on se fie au mutisme de ses avocats! Plusieurs possibilités. D'abord Serge Savard. Son fils Marc y a déjà pratiqué comme avocat et le cabinet a représenté son groupe, Thibault, Messier, Savard et Associés Inc, dans plusieurs transactions immobilières. Fasken pourrait aussi représenter un acheteur dont le cabinet principal serait en conflit d'intérêts dans cette transaction. Par exemple, Joey Saputo, mentionné comme acquéreur potentiel dans les médias. Le cabinet de longue date de Saputo est Stikeman... qui s'occupe déjà de Gillett.

> Fraser Milner Casgrain

On a mentionné quelques acheteurs potentiels étrangers. Ce serait probablement la meilleure chance pour FMC de se retrouver dans la transaction. L'an dernier, quand Katz Group of Companies a acquis les Oilers d'Edmonton, qui représentait cette entreprise? FMC...

> Blakes

Ce cabinet représente habituellement la Ligue nationale de ho- ckey, qui, rappelons-le, a un important mot à dire lorsqu'une équipe est vendue. Ça ne changera pas si le CH change de mains...

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