C'est la crise, les entreprises tombent comme des mouches et licencient à tour de bras. Bonne nouvelle pour les avocats en restructuration!

En plus de 30 ans de carrière, l'avocat Louis Gouin, 58 ans, en a vu passer, des crises économiques. De la débâcle manufacturière des années 80, au krach boursier de 1987, à la déroute immobilière des années 90 en passant par le 11 septembre 2001 et l'éclatement de la bulle techno du début du siècle. Mais de mémoire, jamais il n'a été témoin d'une crise aussi profonde que celle qui fait rage aujourd'hui.

 

«C'est la première fois que l'on vit une crise où tous les secteurs sont touchés en même temps», dit cet associé principal chez Ogilvy Renault.

Louis Gouin sait de quoi il parle. Il dirige pour le bureau de Montréal une équipe d'avocats spécialisés dans les restructurations d'entreprise. Ils sont 18, en tout, en comptant les collègues des bureaux de Toronto, Québec et Ottawa.

Ces pompiers du droit représentent des entreprises en difficulté ou encore des créanciers qui tentent de sauver leur mise. Ces temps-ci, il suffit de lire les journaux, ce n'est pas le boulot qui manque. Louis Gouin l'avoue d'ailleurs d'emblée, ses avocats et lui sont très, très, occupés. On parle ici de gros dossiers de restructuration: Quebecor World, Nortel, Shermag, et plusieurs autres, dont les noms n'ont pas encore été mentionnés dans les médias.

Dans les autres cabinets, c'est la même histoire, les équipes en restructuration sont débordées avec de gros dossiers comme AbitibiBowater et peut-être Air Canada, encore une fois dans le pétrin.

Pour les actionnaires et les employés, une restructuration n'est jamais une bonne nouvelle. La plupart du temps, ça veut dire pertes financières, concessions et pertes d'emplois. Mais pour les avocats, c'est une véritable mine d'or, un des domaines de pratique les plus payants du droit des affaires.

Jusqu'à 2 millions US... par semaine!

Vous en doutez? En 2003, la restructuration d'Air Canada aurait été l'un des dossiers les plus payants de l'histoire pour le cabinet Stikeman Elliott. Plus récemment, dans la restructuration du papier commercial (PCAA), on estime à plus de 200 millions de dollars les honoraires touchés par les comptables et les avocats. Actuellement, dans le dossier de Nortel - qui s'est placée sous la protection des tribunaux -, certains cabinets empochent déjà le gros lot. Le bureau de Toronto de Fraser Milner Casgrain a facturé, en janvier 2009, selon des documents officiels, 470 768$ au Canadian Counsel for the Official Committee of Unsecured Creditors - les créanciers ordinaires. Il est vrai que la quinzaine d'avocats de FMC ont travaillé dur, puisqu'ils ont facturé 712,6 heures, pour une moyenne de 660$ l'heure.

En Europe et aux États-Unis, les frais juridiques grimpent encore plus rapidement. Par exemple, Legal Week rapportait en décembre que le rôle du cabinet britannique Linklater dans la faillite de Lehman Brothers allait devenir l'un des mandats juridiques les plus payants de l'histoire. En tant que conseiller de l'administrateur PricewaterhouseCoopers, Linklater engrangeait jusqu'à 2 millions US en honoraires par... semaine.

Il faut dire que les avocats qui pratiquent dans ce domaine sont devenus de véritables pros. Il y a une dizaine d'années, c'était surtout des avocats en litige qui faisaient de la restructuration. Aujourd'hui, parce qu'il y a moins de batailles en cour, le métier s'est raffiné avec l'arrivée de spécialistes, en droit commercial, en financement, en insolvabilité, en valeurs mobilières et, surtout, en négociations.

«Aujourd'hui, il faut transiger», dit l'avocat Marc Duchesne, 51 ans, associé chez BLG à Montréal et chef régional du groupe Insolvabilité et restructuration financière. Il explique que la conjoncture actuelle fait en sorte qu'entreprises et créanciers sont plus enclins à négocier qu'auparavant. De plus en plus, les sociétés en difficultés financières vont même tenter de négocier avant de mander la protection des tribunaux. On veut aussi accélérer le processus pour diminuer les coûts. Ainsi, alors qu'auparavant une entreprise pouvait rester jusqu'à 18 mois et plus sous la protection de la cour, on voit aujourd'hui des sociétés renaître au bout de trois ou quatre mois.

Au coeur de ces négos bien sûr, les avocats.

Mais deux facteurs expliquent pourquoi on négocie plus qu'auparavant: la frilosité des prêteurs intérimaires et le peu d'intérêt des acheteurs pour acquérir les actifs dont les entreprises débitrices veulent se départir.

«Autrefois, il y avait beaucoup plus de liquidités dans le système, dit Louis Gouin. En ce moment, les prêteurs se font tirer l'oreille.» Étonnant, puisque durant une restructuration, le prêteur intérimaire devient le créancier prioritaire.

«On devrait trouver facilement, mais les conditions de crédit sont trop restrictives.»

L'autre problème, c'est qu'il y a peu d'acheteurs. Les entreprises ont donc du mal à vendre leurs actifs non essentiels, en tout cas pas au prix espéré.

«Les acheteurs qui ont de l'argent se disent que les prix vont encore probablement baisser, explique Marc Duchesne. Alors, ils attendent.»

Et ils ont probablement raison...

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