On dit souvent que le Québec, et plus particulièrement la grande région métropolitaine, est un lieu important de recherche dans l'industrie pharmaceutique. Mais que s'y passe-t-il réellement ?

D'abord, il semble que le Québec soit très sollicité pour ses activités de recherche clinique. «Le développement clinique de plusieurs de nos produits se fait en partie au Québec», affirme Jérôme Sylvestre, président de Sanofi-aventis Canada.

Chez Pfizer, la tendance est encore plus marquée. « Le Québec, et plus particulièrement Montréal, contribue au développement clinique de tous nos produits, à part évidemment nos produits destinés à agir sur les maladies tropicales», affirme Bernard Prigent, vice-président et directeur médical de Pfizer Canada.

En fait, auprès de la multinationale, le Canada se positionne tout de suite après les États-Unis en matière de recherche clinique. 

«Le Québec est fort en matière de recherche clinique depuis une vingtaine d'années. Or, il faut maintenant avouer que la concurrence est féroce, mais la qualité et la capacité de recherche clinique du Québec font que Pfizer a réussi à y maintenir ses activités», ajoute le Dr Prigent.

Pierre Gervais, président de Q&T Research et ex-président de l'Association québécoise de recherche clinique, est bien conscient de l'énorme pression exercée par différents pays d'Europe de l'Est, d'Asie et d'Amérique du Sud qui font des pieds et des mains pour attirer un maximum de contrats de recherche clinique.

«Ces pays sont déterminés à être les meilleurs, dit-il. Ils font un travail de qualité à un coût moindre et les grandes pharmaceutiques sont évidemment tentées d'aller vers eux.» Est-ce que la situation est critique?

«Disons que c'est menaçant, admet M. Gervais. Je crois qu'il serait faux de penser que tous les projets de recherche clinique iront vers ces pays, mais il faut demeurer très prudent et s'adapter aux nouvelles réalités. Avant, si on commençait un projet en avril, on recruterait des patients et on terminait l'étude en décembre. Maintenant, si on commence en avril, des patients devront avoir été présélectionnés et l'étude devra se terminer en juillet. Si on ne l'a pas fait, les centres d'Europe de l'Est l'auront fait et ils obtiendront le contrat.»

 

Recherche fondamentale

Quelques grandes pharmaceutiques font aussi de la recherche fondamentale dans leurs laboratoires du Québec. C'est le cas de Merck Frosst, qui a ouvert ses portes à Montréal en 1899. C'est dans ce laboratoire qu'est venu au monde le comprimé analgésique 222 au début du XXe siècle.

D'autres ont suivi, dont le Singulair, grand «blockbuster» de Merck Frosst contre l'asthme. Le tristement célèbre Vioxx (arthrite et douleur aiguë) a aussi été développé à Montréal, avant d'être retiré du marché en 2004 en raison du risque accru d'incidents cardiovasculaires pour ses utilisateurs.

Aujourd'hui, le centre de recherche de Merck Frosst à Montréal se porte très bien, malgré son récent changement de mandat. «L'an dernier, Merck Frosst a consolidé ses activités de recherche dans quatre centres, explique Vincent Lamoureux, porte-parole de l'entreprise. Avant, nous nous partagions les différents secteurs de recherche, mais maintenant, chacun a sa spécialité.

À Montréal, on se concentre maintenant sur les maladies infectieuses, comme le VIH/sida et l'hépatite C, les antifongiques et les antibiotiques.»

À Laval, l'équipe du centre de recherche de Boehringer Ingelheim Canada travaille sur de nouveaux agents thérapeutiques dans le domaine de la virologie. Pour sa part, Philippe Walker, vice-président découverte chez AstraZeneca R&D Montréal, a bien hâte de voir ses produits «montréalais» sur le marché. «Nous nous sommes installés à Montréal en 1994 et des molécules ont été développées dès la fin des années 90, dit-il. Maintenant, plusieurs sont en phase II de recherche clinique et nous espérons pouvoir les commercialiser bientôt.»

Enfin, on ne peut passer sous silence le célèbre 3TC (sida), développé dans les années 90 par BioChem Pharma. «Encore aujourd'hui, le 3TC demeure le médicament le plus prescrit chez les gens atteints du sida et il a été développé chez nous», se réjouit Michelle Savoie, directrice générale de Montréal In Vivo.

Quelques investissements faits en 2008

Les grandes pharmaceutiques se font attaquer sur plusieurs fronts, certes, mais les affaires continuent de se brasser dans le secteur. «Tout n'est pas arrêté, loin de là. Les compagnies vivent certaines difficultés, mais l'intérêt de s'implanter au Québec ou de prendre de l'expansion n'est pas mort. La preuve, en 2008, les investissements en recherche et en infrastructure à la Cité de la biotech ont dépassé les 250 millions.

«Si on regarde tout le territoire de Laval, on parle de plus de 400 millions», affirme Benoît Picard, vice-président, développement des affaires, Cité de la Biotech.

Des exemples? Boehringer Ingelheim a injecté plus de 36 millions dans la construction d'un centre de recherche à la fine pointe de la technologie à Laval.

Toujours à Laval, Sanofi-aventis a également exécuté des travaux pour son siège social canadien qui ont nécessité un investissement de 25 millions.

2008 a aussi été l'année des ententes publiques/privées. Pfizer s'est notamment associée au Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ) pour créer le Fonds d'innovation Pfizer-FRSQ, un investissement de 10 millions  pour la grande pharmaceutique. Ces deux mêmes organisations ont également joint AstraZeneca et le ministère de la Santé et des Services sociaux pour investir 4,4 millions destinés à la recherche sur la douleur chronique et son traitement.

La création du Consortium québécois sur la découverte du médicament (CQDM) a aussi été un élément marquant de 2008. Soutenu par le gouvernement du Québec, à hauteur de 16 millions, et par des partenaires privés tels que Pfizer, Merck Frosst et AstraZeneca, le consortium bénéficiera au total de 48 millions sur quatre ans pour favoriser une collaboration accrue entre les universités et les sociétés privées.

Wyeth a investi 2,2 millions pour créer la Chaire Wyeth sur les technologies d'analyse des procédés en génie pharmaceutique à l'Université de Sherbrooke. C'est la première chaire de recherche mise sur pied en Amérique du Nord pour développer des technologies d'avant-garde dans le milieu pharmaceutique manufacturier.

Wyeth vient également de terminer des travaux de 20 millions pour rénover ses laboratoires et pour acheter de nouveaux équipements pour son usine de Saint-Laurent. De plus, en 2009, l'entreprise injectera, comme chaque année, entre 10 et 15 millions pour améliorer la productivité de ses installations. 

Plus d'emplois dans le générique, moins en biotechnologie

Le domaine de la pharmaceutique vit différentes difficultés, mais tout ne va pas mal pour autant. Pour le moment, l'emploi semble se maintenir.

Toutefois, la biopharmaceutique est un grand secteur et on ne peut pas tout mettre dans le même panier, nuance Francine Gendron, directrice générale de Pharmabio Développement, le comité sectoriel de main-d'oeuvre des industries des produits pharmaceutiques et biotechnologiques.

«On voit à la fois des mises à pied et de l'embauche, explique-t-elle. Par exemple, les pharmaceutiques de générique se développent beaucoup actuellement et embauchent.

Toutefois, si on regarde du côté des entreprises de biotechnologie, c'est beaucoup plus difficile en raison de la grande difficulté qu'elles ont d'aller chercher du capital de risque.»

Évidemment, les efforts de réorganisation des grandes pharmaceutiques ont tout de même affecté la main-d'oeuvre.

«Il y a eu des licenciements, mais aussi de la création d'emplois, remarque Mme Gendron. On voit peut-être un certain déplacement : moins d'emplois en recherche et développement, mais davantage au niveau technique et dans le générique. Mais tout de même, la situation n'est pas dramatique en ce qui a trait à l'emploi dans le domaine de la pharmaceutique au Québec. On assiste même à une légère croissance.»

Le secteur des industries des produits pharmaceutiques et biotechnologiques du Québec compte environ 200 entreprises, ce qui représente 23 000 emplois. Le secteur se divise en trois grands sous-secteurs composés des entreprises pharmaceutiques innovatrices et génériques, des entreprises de biotechnologie en santé animale et humaine, en agroalimentaire et nutraceutiques, en environnement et biomatériaux, des centres de recherche clinique ainsi que des fabricants d'ingrédients actifs. Bien que 63  % des entreprises du secteur appartiennent au sous-secteur des biotechnologies, 60  % des emplois se retrouvent dans le secteur pharmaceutique.

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10 plus grands employeurs au Québec