Licencié en septembre dernier par la compagnie aérienne Aeromexico, Angel Ortiz a su rebondir grâce à l'auberge de jeunesse qu'il a créée. Mais la chute du tourisme n'a pas fini de lui donner des maux de tête.

Cheveux courts noirs, baskets nord-américaines blanches, jeans et veste sportive, Angel Ortiz fronce ses longs sourcils et lève les yeux au ciel. «La crise? Ah ça oui, je connais! J'ai été licencié en septembre dernier.»  

Angel, 34 ans, travaillait depuis six ans au service de la billetterie de la compagnie aérienne Aeromexico. Il a fait les frais des effets de la crise sur le tourisme mexicain.

Mais pas seulement. «Les dirigeants de la société sont des voleurs qui ne savent pas bien gérer l'entreprise, accuse-t-il. L'année dernière, ils ont réduit les effectifs de 1000 personnes.»

 

Le tourisme est la troisième source de devises du Mexique, après le pétrole et les «remesas», transferts de devises des Mexicains à l'étranger. Le secteur représente environ 10% du produit intérieur brut du pays et emploie près de deux millions de personnes.

Amer, Angel détaille comment Aeromexico a commencé à licencier ses employés au sol pour faire appel à des sociétés tierces qui lui permettent de payer des salaires beaucoup plus bas et de payer moins de charges que pour un vrai employé maison.

 

Ces «sous-employés» renoncent ainsi à l'ancienneté et aux avantages classiques du personnel au sol d'une compagnie, comme les billets d'avion gratuits.

 

Angel Ortiz gagnait auparavant 6500 pesos mexicains chaque mois (550 dollars canadiens) pour un emploi à temps partiel. «Un bon salaire», reconnaît-il, avec son large front et ses cheveux gominés. Il percevait ainsi 400 pesos par jour chez Aeromexico, contre un salaire minimum d'une cinquantaine pesos par jour au Mexique.

 

Avec sa feuille de licenciement, Angel a reçu une indemnisation calculée par son employeur. «Soit je l'empochais, soit je me lançais dans un jugement de plusieurs années. J'ai préféré prendre l'argent», confesse-t-il sur un ton désabusé. Pour lui, c'est évident qu'en cas de procès, la compagnie aérienne aurait acheté le juge. Un peu fataliste Angel?

«Non, réaliste! Au Mexique, la justice ne sert qu'à ceux qui ont de l'argent», déplore-t-il.

Débrouillard et prévoyant, Angel n'a pas terminé au chômage ou dans la rue. Car il a créé voilà quatre ans une auberge de jeunesse en plein coeur de la capitale, Mexico, pour les touristes étrangers. Le jeune homme y a investi ses économies et les prêts accordés par ses proches.

 

«Une chance, je n'ai pas de famille et d'enfants à charge, précise-t-il. Et surtout, je suis encore jeune. Beaucoup d'anciens collègues âgés de 45-50 ans n'ont pas encore retrouvé du travail. Ils n'ont pas un profil intéressant pour les sociétés mexicaines qui craignent de fortes dépenses de maladie et de retraite.»

 

Aujourd'hui, le travail d'Angel lui permet de sortir la tête de l'eau. Mais là encore, la chute du tourisme affecte son auberge de jeunesse qui emploie cinq personnes. «Les Américains ne voyagent plus comme avant, par peur de l'avenir, je crois. Or, ils représentent 50% de ma clientèle, déplore le Mexicain. Ces derniers mois, mon taux d'occupation a baissé d'environ 25%.»

 

Situé dans le quartier de Roma, Bed and Breakfast Mexico facture 14 dollars US le lit en dortoir ou 20 dollars la chambre individuelle. Heureusement, la dégringolade du peso mexicain (passé de 10 à 15 pour 1 dollar US) attire encore les Européens, qui compensent un peu la désertion des Américains.

 

Aujourd'hui, le jeune gérant s'avoue optimiste. «Je préfère penser que les choses vont s'arranger, sinon je serai triste et déprimé et cela affectera mon business. Avec notre monnaie dévaluée, cela rend attrayant notre pays chargé d'histoire et riche en plages.» Soudain, Angel sourit. Dans quelques jours, il s'envole un mois pour la Chine. «Lors de mon licenciement, j'ai eu droit à un dernier billet à tarif réduit. Ce sont mes premières vraies vacances depuis huit ans!»

 

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538 000

Le nombre d'emplois perdus par l'économie mexicaine entre octobre 2008 et février 2009.

 

5000

Le nombre d'entreprises ayant cessé leurs activités au cours des deux derniers mois de 2008.

 

-3,8 %

La chute du produit intérieur brut du Mexique, fortement affecté par la crise qui touche son voisin