La crise n'a pas encore touché le quotidien de la majorité des Chinois. Pourtant, l'inquiétude grandit. Ce qui pousse entre autres des femmes à chercher des emplois, au cas où leurs maris se retrouveraient au chômage.

Zhang Qing, 30 ans, essuie les fesses de sa fille avec une lingette en coton et lui met une couche. Elle allume ensuite son ordinateur. «Tous les jours, je regarde la Bourse et le cours de mes actions.» 

Comme pour les 150 millions de boursicoteurs chinois, la crise se limite pour le moment à ses effets sur la Bourse de Shanghai. Joueurs depuis 1997, son mari et elle ont placé ces dernières années jusqu'à 4000 yuans (750 dollars canadiens) par mois, soit l'intégralité du salaire mensuel du mari.

«À un moment nous gagnions l'équivalent de 15 de ses salaires, mais, malheureusement, il n'a jamais voulu vendre. Aujourd'hui, nous en perdons virtuellement 10.» Après avoir quintuplé entre janvier 2006 et octobre 2007, l'indice de la Bourse de Shanghai a en effet chuté. Chute accrue depuis le début de la crise internationale l'été dernier.

Malgré ce coup du sort, elle ne se sent pas touchée par la crise. «Dans les grandes villes, on ne la sent pas. Tout va presque mieux pour nous puisque les salaires n'ont pas changé alors que les prix et les loyers ont diminué! Néanmoins, à force d'en entendre parler dans les médias, mes amies ont pris peur et ont décidé de rechercher un travail, au cas où leur mari serait licencié. Peut-être vais-je m'y mettre moi aussi.»

Non loin de ce quartier de la banlieue pékinoise, Xu Ming, 29 ans, quitte son appartement à 8 h, comme tous les matins depuis un mois et demi. Un bus et deux lignes de métro la mèneront en une heure à son nouveau bureau.

«Mon mari travaille dans une entreprise chinoise d'informatique. Il est toujours employé, mais nous ne sommes pas rassurés car des rumeurs de licenciements circulent depuis le mois de décembre. Nous avons donc décidé que je retravaillerais pour éviter toute déconvenue.»

La jeune mère avait quitté son emploi dans les communications peu avant la naissance de son fils, il y a deux ans. Le seul salaire de son mari (6000 yuans), alors débauché depuis peu par une société privée aux salaires bien plus élevés que sa précédente entreprise d'État, autorisait en effet la petite famille à vivre confortablement. La crise a pourtant remis en cause cette organisation. Bien que leur niveau de vie n'ait pas été réduit, bien qu'ils continuent d'acheter les mêmes produits qu'auparavant et à s'offrir quelques petits plaisirs, le doute s'est installé.

«Nous en sommes à regretter son départ de la société d'État: le gouvernement a en effet annoncé qu'il n'y aurait pas de licenciement dans le public.»

La crise n'a pas encore modifié le quotidien de la plupart des Chinois. L'insouciance perpétuée par une dizaine d'années de croissance économique rapide, d'augmentation annuelle des salaires supérieure à 10% et d'une hausse régulière du niveau de vie dans les villes prend pourtant fin. Le gouvernement prépare donc la population à de nombreux licenciements. Du coup, la perception du marché du travail par les Chinois est en train d'être bouleversée.

Wang Xinke est sorti depuis cinq ans de son université d'électronique. Il a déjà connu pas loin d'une dizaine d'employeurs. «La tradition de mes parents et grands-parents de rester toute sa vie dans une entreprise a disparu», explique-t-il. «Nous sommes désormais libres de quitter nos employeurs. Dès qu'une offre plus intéressante financièrement et professionnellement se présente, comme tout le monde ici, je n'hésite pas! Enfin, je n'hésitais pas. Vu la conjoncture, je pense rester bien installé à mon bureau.» Ses amis ont adopté la même politique : 2009 sera l'année de la stabilité professionnelle. Du moins l'espèrent-ils.

 

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20

Le nombre de millions de migrants, sur une population migrante estimée à 180 millions, qui seraient au chômage après la fermeture d'usines et de manufactures.

 

1%

La part du plan de relance chinois destiné à la protection santé, la culture, l'éducation et la formation.

 

8%

L'objectif de croissance fixé par les autorités chinoises, le premier sous les 10 % depuis 2004.