Pour bien vivre à sa retraite, il faut avoir utilisé les bons outils financiers. Ce premier texte d'une série de 12 porte sur la planification financière. La semaine prochaine, on abordera l'épargne.

Tout le monde rêve d'une retraite confortable. Pourtant, peu d'entre nous ont une notion claire de l'argent dont ils auront besoin pour vivre confortablement leurs vieux jours. Et on ne sait pas combien on devrait épargner aujourd'hui pour atteindre cet objectif.

«Dès qu'une personne termine ses études et commence à avoir un revenu régulier, elle devrait se faire faire une projection de retraite», dit Daniel Laverdière, directeur principal, Planification financière Banque Nationale.

Cette projection, faite par un logiciel, calcule selon l'âge actuel, le revenu et l'épargne annuelle, de combien d'argent on disposera pour vivre à l'âge souhaité de la retraite. Elle tient compte de l'inflation, d'un rendement conservateur projeté sur les placements, ainsi que des revenus futurs tirés de la Régie des rentes et du Régime de pensions du Canada.

Un tel calcul se fait en considérant qu'en moyenne, un individu aura besoin de 70% de son revenu brut actuel (indexé à l'inflation) pour vivre à sa retraite. Il permet de savoir si on est sur la bonne voie.

«Déjà, si quelqu'un a des bulles de cotisation en retard sur ses REER, c'est un signal qu'il a besoin d'une meilleure planification financière», dit Daniel Laverdière.

Et l'outil fondamental de la planification financière, c'est le bon vieux budget.

«C'est simple, pour pouvoir épargner, il faut dépenser moins que ce que l'on gagne, dit Hélène Bronsard, vice-présidente de la gestion privée chez Raymond Chabot gestion privée. Cela donne un pouvoir sur sa vie.»

Cela ne signifie pas pour autant qu'il faut se priver, ajoute-t-elle. «On peut avoir un train de vie agréable, pourvu que ce soit en dessous de ses moyens. C'est ce qui nous donnera de la latitude.»

Des erreurs à éviter

En estimant leurs besoins financiers pour la retraite, beaucoup de gens font l'erreur de sous-estimer leur durée de vie. Ils se basent sur l'espérance de vie à la naissance au Canada, qui est de 78 ans pour les hommes et de 82 ans pour les femmes. Or, beaucoup vivent plus longtemps.

«Prendre l'espérance de vie à la naissance est une erreur, dit Daniel Laverdière. Plus on vit vieux, et plus l'expectative de vie se rallonge, car on a éliminé les problèmes de mortalité précoce. Dans la moitié des cas, chez un couple âgé de 65 ans, un des deux vivra plus de 90 ans. Le risque devient alors de manquer d'argent pour subvenir à ses besoins.»

Par ailleurs, certains experts estiment que 70% du revenu actuel à la retraite ne sera pas assez pour certains. «Aujourd'hui, les gens sont rarement prêts à faire des compromis sur leur qualité de vie», dit Hélène Gagné, gestionnaire de portefeuille associée de PWL Capital et auteure du livre Votre retraite crie au secours.

Presque la moitié des gens passe à travers un divorce, ce qui n'est rien pour améliorer un bilan. Et il n'est plus rare de voir des gens dans la soixantaine qui paient encore pour les études de leurs enfants, ajoute Mme Gagné.

Sans compter la tendance à surconsommer, faisant arriver certains travailleurs à la retraite avec des dettes. D'autres y parviennent même avec une hypothèque.

«L'un des objectifs devrait être d'arriver à la retraite sans avoir de dettes, dit Hélène Bronsard. Et, comme les gens qui travaillent, les retraités devraient avoir un coussin financier équivalent à au moins trois mois de dépenses. Ce n'est pas parce qu'on est retraité qu'il n'y aura pas d'imprévus!»

L'avantage de commencer jeune

Ann-Marie a 24 ans et elle vient de terminer ses études. Elle décroche un premier emploi lui procurant un salaire de 28 000 $ par année. Pour l'instant, elle n'a aucune économie. Elle rêve de prendre sa retraite à 55 ans pour voyager. Est-ce réaliste ?

La première année où elle travaille, Anne-Marie cotise seulement 150 $ par mois à ses REER, car elle commence dans la vie et elle doit s'acheter des meubles. À partir de 2010, elle devrait cotiser le maximum de ses REER, soit 18 % de son salaire brut, ce qui équivaut à 5040 $ par année, mais lui coûte en fait 3600 $ grâce au remboursement d'impôt.

Selon la projection de retraite, à ce rythme, avec un taux de rendement projeté de 5,5 % et une inflation de 2,3 %, ce n'est pas réaliste pour Anne-Marie de vouloir prendre sa retraite à 55 ans, car son capital serait épuisé à 69 ans. La projection a aussi tenu compte du fait qu'elle aurait des augmentations de salaire de 4 % par année. Que peut-elle faire ?

« Plusieurs solutions sont possibles, dit Maria Luise Neuper, directrice de produit, planification financière, Financière Banque Nationale. Anne-Marie pourrait travailler jusqu'à 61 ans. Elle pourrait aussi épargner un montant additionnel de 350 $ par mois, en plus de son épargne REER, idéalement dans un CELI. Ou encore, elle pourrait réduire son coût de vie à la retraite à 19 500 $, ou une combinaison de ces solutions. »

Si elle prend sa retraite à 61 ans, Anne-Marie aura au revenu de 27 000 $ après impôt, incluant les pensions gouvernementales.

Rien ne sert de courir...

Serge a 48 ans. Il gagne 46 000$ par an. À ce jour, il a versé 20 000$ dans ses REER. Il a une maison, achetée il y a 20 ans, qui vaut maintenant 200 000$. Dans cinq ans, elle sera entièrement payée. Serge aimerait prendre sa retraite à 65 ans. Combien d'argent aura-t-il pour vivre?

Même en mettant les bouchées doubles, Serge n'aura pas 70% de son revenu à la retraite, car il n'a pas assez accumulé de capital jusqu'à présent. Il doit dorénavant épargner 600$ par mois dans ses REER jusqu'à 53 ans, le temps de finir de payer son hypothèque.

Ensuite, il pourra utiliser le montant appliqué à l'hypothèque, soit 9800$ par an, pour le verser dans ses REER jusqu'à 65 ans. Il devra aussi mettre dans un CELI les 3500$ que son retour d'impôt pour contribution à un REER lui procure.

Selon la projection de retraite, à un taux de rendement de 4,5% et un taux d'inflation de 2,3%, il obtiendra l'équivalent de 24 000$ par année (en pouvoir d'achat d'aujourd'hui), incluant les régimes gouvernementaux. Pour continuer à avoir ces revenus jusqu'à l'âge de 92 ans, il devra vendre sa maison à l'âge de 75 ans. À ce moment, son coût de vie augmentera car il devra payer un loyer.