L'histoire récente de Vidéotron n'a rien d'un long fleuve tranquille.

Dans les années 90, le câblodistributeur était considéré par les Québécois comme un véritable cancre du service à la clientèle. En 2002, peu après son acquisition par Quebecor [[|ticker sym='T.QBR.B'|]], un long et disgracieux conflit de travail a éclaté.Robert Dépatie a pris la tête de l'entreprise un an plus tard avec un mandat bien précis de son grand patron, Pierre Karl Péladeau: faire grimper les ventes.

L'homme de 50 ans a réussi son pari. Sous sa direction, le chiffre d'affaires du câblo a fortement augmenté.

Mais convaincre les clients de choisir Vidéotron - ou de lui refaire confiance - n'a pas été une mince affaire. «La côte a été longue à remonter», admet le dirigeant de 50 ans en entrevue à La Presse Affaires.

«C'est très long, dit-il. J'avoue que pour regagner la confiance des consommateurs, il faut travailler fort. Les consommateurs ont une bonne mémoire et c'est pour ça qu'on a fait un changement de culture radical à Vidéotron, avec une mission d'entreprise et des valeurs très précises.»

Le service à la clientèle de la filiale de Quebecor a certes connu des ratés depuis l'arrivée de M. Dépatie - notamment dans les mois qui ont suivi le lancement de la téléphonie numérique, en 2005 - mais il est loin de ce qu'il était il y a quelques années.

Depuis 2003, le nombre d'employés affectés au service est passé de 580 à 1300. Robert Dépatie a aussi créé les «prix du président», qui soulignent les projets internes orientés vers le service à la clientèle. Une notion, affirme-t-il, qui se trouve désormais au coeur de toutes les activités entreprises par Vidéotron.

Le PDG est persuadé que ce récent «virage client» a permis d'attirer en masse les abonnés ces dernières années. Ça et la téléphonie numérique. Le service a suscité un véritable engouement à ses débuts avec ses prix plus bas que ceux de Bell Canada. Plus de 850 000 Québécois y ont adhéré à ce jour.

Quatre ans après le lancement de la «téléphonie par câble», l'industrie des télécoms a complètement changé de visage au Québec. Et la compétition n'est pas prête de se calmer.

Bell [[|ticker sym='T.BCE'|]], contre qui Vidéotron dirige une bonne partie de ses efforts, a baissé ses prix et affiné sa stratégie. Le conglomérat a lancé une véritable offensive publicitaire au cours des derniers mois pour tenter de regagner le terrain perdu.

Robert Dépatie reconnaît que la période de grâce de deux ans pendant laquelle Bell Canada était empêtrée dans sa tentative de rachat par Teachers' est terminée. «Le géant montréalais, il ne faut pas le sous-estimer, dit-il. Avec tout ce qui vient d'arriver, c'est une entreprise qui a beaucoup de liquidités, qui peut faire beaucoup de dommages.»

Sans-fil et convergence

Outre Bell, un nouveau venu ambitionne de faire la vie dure à Vidéotron, dans le sans-fil cette fois. Public Mobile - qui a aussi acheté des licences sans-fil l'an dernier auprès d'Industrie Canada - veut lancer un service illimité à 40$ par mois au Québec et en Ontario. Rien d'inquiétant, soutient Robert Dépatie.

Vidéotron a allongé 555 millions pour acheter des licences et dépensera presque autant pour bâtir son réseau de dernière génération d'ici au début de 2010. Et si l'entreprise affirme vouloir offrir des prix accessibles, elle visera un créneau plus «sophistiqué» que celui de Public Mobile, dit M. Dépatie. Le groupe misera notamment sur des services évolués comme la vidéo sans fil sur demande.

Vidéotron compte aussi utiliser à fond la machine convergente de Quebecor. «Ce qu'on regarde, c'est une collaboration avec nos compagnies soeurs, par exemple le Journal de Montréal, qu'on pourrait imaginer avoir une section sport sur le sans-fil. Les clients pourraient recevoir des alertes avec une vidéo, qui permettraient de voir le but qui a été compté.»

Pour l'heure, Robert Dépatie reconnaît que le modèle d'affaires d'un sans-fil évolué n'existe pas encore. Qui plus est, avec le lock-out décrété il y a six semaines au Journal de Montréal (dont l'enjeu porte notamment sur l'utilisation des contenus journalistiques sur diverses plateformes), il est loin d'être acquis qu'une telle convergence s'appliquera facilement.

Le PDG refuse de trop s'étendre sur ces questions syndicales. «Nous, on dit que dans l'avenir, les générations X et Y vont être à la recherche de contenus adaptés à leurs besoins, sur l'appareil qu'ils désirent. C'est une réalité. Comment peut-on être contre la vertu et contre les besoins des consommateurs? Moi je dis que l'entreprise, et Pierre Karl est d'accord, doit se diriger vers les nouvelles plateformes.»

Et le dirigeant croit-il être capable de soutenir une croissance aussi forte qu'en 2008 pour les années à venir? Rappelons que les revenus de Vidéotron ont grimpé de 16,2% l'an dernier, à 1,8 milliard, et le bénéfice d'exploitation, de 24%.

Robert Dépatie refuse de dresser des projections précises, tout en précisant que Vidéotron «n'est pas à l'abri» de la crise économique actuelle. «Par contre, avec le phénomène du cocooning, les gens vont se retrouver de plus en plus à la maison, et on croit que les secteurs du divertissement et des télécoms vont être les moins touchés par cette crise économique.»

Une histoire à suivre.

L'entreprise

Vidéotron, une filiale de Quebecor, offre des services de câblodistribution, d'internet et de téléphonie à l'échelle du Québec. Le groupe compte aussi se lancer dans le sans-fil au début de 2010, après des investissements d'environ 1 milliard.

Défis

Bien gérer sa croissance rapide, continuer à resserrer son service à la clientèle, s'entendre avec ses partenaires en vue du lancement prochain de son service sans fil.

Stratégies

Investir dans le service à la clientèle, miser sur une technologie de dernière génération - la norme 3.75 - dans le sans-fil et utiliser à fond la machine convergente de Quebecor pour promouvoir son sans-fil.