Pas question de retraite pour le juge Jean-Louis Baudouin. Après l'enseignement et la magistrature, il fait le saut chez Fasken Martineau où il conseillera les avocats du cabinet.

Jean-Louis Baudouin ne pensait jamais être aussi populaire, en tout cas pas au point de se faire déranger durant ses vacances. C'est pourtant ce qui lui est arrivé, en juin dernier, quelques jours après qu'il eut annoncé son intention de quitter la Cour d'appel du Québec, où il siégeait comme juge depuis 1989.

En plein après-midi, alors qu'il était en train de résoudre avec sa femme des mots croisés au bord de la piscine d'une maison louée à quelques kilomètres d'Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le téléphone s'est mis à sonner comme ce n'est pas possible.

Des amis? De la parenté? Pas du tout, des dirigeants de grands cabinets d'avocats de Montréal! Qui cherchait à le joindre pour lui offrir un job.

«Je me demande encore comment ils ont fait pour me retracer!» dit, amusé, Jean-Louis Baudouin, alors qu'il reçoit La Presse pour sa première entrevue en tant qu'associé de Fasken Martineau, à Montréal. Il explique qu'à l'époque, il n'était pas prêt à prendre une décision. Son départ n'aurait lieu que quelques mois plus tard et il voulait se donner un peu de temps pour réfléchir.

Une chose était cependant certaine: pas question de prendre sa retraite. «Je mourrai au travail la plume à la main», dit celui qui vient d'avoir 70 ans.

Chez Fasken, on se frotte les mains d'avoir pu le convaincre de choisir la maison. «Tous les cabinets rêvaient de l'avoir comme partenaire», dit l'associé-directeur de Fasken pour le Québec, Claude Auger, visiblement fier de son coup.

Si le juge a choisi ce cabinet, c'est parce qu'on lui proposait de travailler dans ses domaines de prédilection: le droit des contrats et le droit de la responsabilité civile, où il excelle et pour lesquels il est considéré comme l'un des meilleurs.

Car au Québec, Jean-Louis Baudouin est un peu le pape du droit civil.

«C'est le meilleur civiliste et de loin», dit son bon ami, l'avocat Jean-Pierre Casavant, qui le connaît depuis de nombreuses années.

«Un pionnier, un des plus grands juristes en matière de droit civil», ajoute le juge en chef de la Cour d'appel du Québec, Michel Robert, qui fut son patron. Il souligne que Jean-Louis Baudouin a complètement modifié l'approche doctrinale du droit civil en proposant une analyse globale de cette discipline. Durant des années, il fut ainsi une ressource extraordinaire pour les juges de la Cour d'appel, qui chaque fois qu'ils avaient besoin d'un conseil en ce domaine, se tournaient inévitablement vers Jean-Louis Baudouin.

Avant la magistrature, Jean-Louis Baudouin fut aussi d'une aide précieuse auprès des étudiants en droit et donc des futurs avocats. Professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal pendant 26 ans, sa contribution fut à ce niveau considérable.

«Il a dû enseigner à 80% des avocats du Québec!» dit Claude Auger.

Comme auteur, il a été un véritable pionnier de la littérature juridique francophone. Ses livres sont d'ailleurs constamment cités par les tribunaux. On lui doit des ouvrages fondamentaux, notamment celui sur les obligations et la responsabilité civile, auquel il travaille présentement à sortir la huitième édition.

Un coach et un conseiller

Chez Fasken, Jean-Louis Baudouin aura l'occasion de renouer avec ses anciennes carrières. Car on lui a confié le double rôle de professeur et de conseiller auprès des avocats du cabinet.

Comme prof, Jean-Louis Baudouin deviendra en quelque sorte le coach des jeunes ou moins jeunes avocats du cabinet, à l'approche des procès. Il les aidera notamment à présenter leurs arguments et à préparer les mémoires.

«Comme juge, j'ai souvent vu des avocats mal préparés ou avec la mauvaise stratégie», dit-il. Une des erreurs fréquentes des avocats inexpérimentés, explique-t-il, est d'invoquer trop d'arguments en Cour au lieu de se concentrer sur un ou deux arguments majeurs.

Comme conseiller, il deviendra le grand sage, celui qui révise les opinions juridiques en droit civil.

Dès sa première journée de boulot, la semaine dernière, il a d'ailleurs dû se pencher sur un contrat de construction. Le client, une société étrangère, voulait en savoir un peu plus sur la notion de bonne foi au Québec.

«Une valeur ajoutée incroyable pour nos clients que d'avoir l'opinion de l'auteur le plus cité au Québec, dit Claude Auger. Désormais, quelqu'un qui voudra contester nos opinions juridiques devra se lever de bonne heure.»

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