Reportons-nous au début des années 80. L'économie québécoise est ravagée. Les usines ferment. Les travailleurs perdent leur emploi. C'est dans ce contexte que naît le Fonds de solidarité FTQ.

Il fête cette année son vingt-cinquième anniversaire, juste au moment où le Québec entre à nouveau dans une période d'incertitudes économiques.

 

Cette fois, bon nombre de PME en difficulté pourront se tourner vers un partenaire solide pour les aider à traverser la tempête. Comme il le fut planifié au moment de sa création, le Fonds remplira sa mission première: investir pour sauver des emplois.

Depuis ses débuts, le Fonds a investi 7,2 milliards dans le développement de nos entreprises.

Ses investissements contribuent à maintenir 126 000 emplois au Québec actuellement.

L'an dernier, il a injecté 730 millions dans économie. Et pour 2008-2009, 640 millions sont prévus.

Bien qu'au moment d'écrire ces lignes, on ne connaisse pas encore les pertes relatives à la crise financière mondiale et à la récente chute boursière, au 31 mai 2008, le Fonds détenait 7,3 milliards d'actifs, constitués des épargnes de 575 000 petits actionnaires.

«Il a joué un rôle très important dans l'économie du Québec, et bien rempli sa mission, dit Marcel Côté, associé fondateur de SECOR. Le Fonds a stimulé l'épargne et amené des gens à constituer un capital de retraite.»

Sans le Fonds, combien de ces travailleurs auraient autant économisé pour leurs vieux jours?

«Il y a 25 ans, seulement 2% de nos membres avaient des REER. Aujourd'hui, il y en a 60%», répond Michel Arsenault, président de la FTQ et du conseil d'administration du Fonds.

Par l'intermédiaire du Fonds, rappelle Marcel Côté, ces travailleurs sont maintenant assis autour de la table quand les entreprises sont en difficulté.

«Ce ne sont plus des gens qui ne font que profiter du sauvetage des entreprises. Ils investissent dans ce sauvetage, dit-il. Ils ont les moyens d'être au côté des employeurs et de participer à la relance.»

Ainsi, le Fonds est devenu un acteur économique important, qui représente les travailleurs et vient de leur milieu, par opposition au milieu de la finance.

«Il représente les intérêts de gens qu'on n'entend pas souvent, contrairement au milieu d'affaires traditionnel représentant les intérêts des gens fortunés, ajoute M. Côté. Cela a contribué à non seulement améliorer le dialogue, mais cela a eu des effets bénéfiques sur le mouvement syndical. Ça l'a responsabilisé.»

Qu'en pensent les critiques?

Certes, le Fonds représente un modèle unique au monde. Il a inspiré la création d'autres fonds de travailleurs au Canada, dont les règles de fonctionnement diffèrent.

Mais au fil des ans, ce modèle a essuyé les critiques de groupes de réflexion, dont l'Institut Fraser et l'Institut économique de Montréal. Selon leurs études, les crédits d'impôt accordés par les gouvernements aux actionnaires privent l'État de revenus importants.

D'après un rapport présenté en avril dernier par le professeur Jean-Marc Suret, pour l'Institut économique de Montréal, le coût total des avantages fiscaux accordés aux fonds de travailleurs dépassait 5,4 milliards en 2003 au Canada.

«Les sociétés de capital de risque de travailleurs relèvent d'un modèle d'intervention gouvernementale que la plupart des pays ont abandonné», note le professeur Suret.

Pour répondre à ces critiques récurrentes, le Fonds de solidarité a commandé deux études indépendantes à la firme SECOR entre 2000 et 2005.

«En utilisant la méthodologie proposée par nos critiques, nous lui avons demandé d'évaluer en combien de temps les gouvernements récupèrent leur argent, dit Yvon Bolduc. Les conclusions de SECOR furent qu'au provincial, l'argent était récupéré en deux ans, et au fédéral, en trois ans.»

Quoi qu'il en soit, rien n'est parfait. Selon Marcel Côté, le Fonds pourrait améliorer certains points.

«Leur culture et leur formation sont un peu trop dominées par des financiers, et non par des gens d'entreprise, dit-il. Or, ils travaillent dans le capital des PME. C'est paradoxal. Il est à espérer qu'ils aillent chercher des gens ayant davantage d'expérience d'entreprise.»

Par ailleurs, M. Côté estime que le Fonds est trop patient. «Leur portefeuille ne roule pas suffisamment, dit-il. Une fois qu'ils ont joué leur rôle dans une entreprise, ils devraient vendre leur participation.»

Quant aux rendements, historiquement autour de 4,8%, ils sont bas, estime M. Côté.

«Mais on ne peut pas vraiment leur reprocher, dit-il. Les gens qui investissent dans le Fonds savent qu'ils n'auront pas 15%, mais que c'est un placement stable et sécuritaire.»