Avec sept universités impliquées en aéronautique et plus de dix centres de recherche publics et parapublics, le Québec compte une des plus grandes concentrations de cerveaux au monde en génie aérospatial. Mais la formation et le recrutement d'une main-d'oeuvre qualifiée et répondant aux besoins de l'industrie sont des défis pour une industrie dont l'avantage concurrentiel repose sur sa capacité d'innovation.

En 2007, le personnel scientifique comptait pour près 25% de la main-d'oeuvre de l'industrie aéronautique, selon le directeur général du Comité sectoriel de la main-d'oeuvre en aérospatiale au Québec (CAMAQ), Serge Tremblay. Et de 2007 à 2009, le CAMAQ, qui travaille aussi à promouvoir les carrières en aérospatiale, a estimé que 1600 nouveaux ingénieurs seraient nécessaires pour combler les besoins des entreprises, soit un peu plus de 500 par année.

 

M. Tremblay ne s'inquiète pas de la capacité des établissements universitaires à former les cerveaux dont l'industrie aura besoin à court et à moyen terme. Mais le directeur du groupe d'étude en management des entreprises de l'aéronautique (GEME AERO) de l'ESG à l'UQAM, Mehran Ebrahimi, ne partage pas son enthousiasme. Il souligne que dans plus de 40% des entreprises aéronautiques, moins de 10% du personnel a fait des études universitaires.

«Cela veut dire que même si les entreprises décident de faire un saut technologique, le manque de cerveaux pour concrétiser ce souhait représente un très grand obstacle pour la plupart d'entre elles», affirme M.Ebrahimi.

Le responsable du programme aérospatial à Polytechnique, Lakis Aouni, donne l'exemple de la production du nouveau CSeries de Bombardier. «Les universités québécoises n'arriveront pas à fournir le nombre d'ingénieurs nécessaires pour le CSeries et l'entreprise sera obligée d'aller voir ailleurs «, regrette M. Aouni.

«Les universités ne peuvent pas fournir tous les ingénieurs nécessaires pour la simple raison que l'entreprise a également besoin de ceux qui ont plusieurs années d'expérience en entreprise», réplique Serge Tremblay, du CAMAQ.

Le professeur de l'UQAM, M. Ebrahimi, souligne également que le départ à la retraite de nombreux ingénieurs qualifiés est une préoccupation importante des entreprises. «C'est une problématique qui va s'amplifier», admet M. Tremblay, qui croit cependant qu'une bonne gestion des ressources humaines au sein des entreprises permettra de minimiser cette situation anticipée.

Les bonnes nouvelles dans le secteur de l'aéronautique, comme l 'annonce du lancement du CSeries de Bombardier cet été, ou encore celle de la nouvelle usine d'assemblage de Pratt&Whitney la semaine dernière, donnent un coup de pouce au recrutement de main-d'oeuvre, selon M. Tremblay.

 

Formations en aérospatiale

L'École des métiers de l'aérospatiale de Montréal (EMAM) (niveau secondaire, Commission scolaire de Montréal), établissement d'enseignement professionnel doté d'une usine

L'École nationale d'aérotechnique (ÉNA), (Cégep Édouard-Montpetit), première en importance à l'échelle nord-américaine, exploite des équipements de pointe et offre des programmes spécialisés en construction aéronautique, en maintenance d'aéronefs et en avionique.

Outre leurs centres de recherche, les universités McGill, Concordia, Laval, Sherbrooke, du Québec à Chicoutimi, l'École Polytechnique de Montréal et l'École de technologie supérieure (ÉTS) offrent des programmes couvrant les secteurs de génie mécanique, électrique, informatique, aérospatial, industriel et métallurgique.

Un nouveau baccalauréat en génie aérospatiale sera offert à la Polytechnique de Montréal à partir de l'automne 2009. Les niveaux diplômés auront le titre d'ingénieur aérospatial, une première au Québec.

Source : Aero Montréal, la grappe aérospatiale du Grand Montréal

 

Des ingénieurs «prêts à utiliser»

L'industrie aéronautique est impatiente. Plutôt que de prendre le temps de former les ses nouveaux employés, les entreprises veulent embaucher des ingénieurs « prêts à utiliser «.

« L'industrie veut des diplômés déjà formés «, dit le responsable du programme aérospatiale à la Polytechnique, Lakis Aouni. C'est pour cela, explique-t-il, que depuis quelques années, de plus en plus de professionnels de l'industrie donnent dans cours dans les universités. « Quand il est embauché, le nouveau venu est déjà connu par son employeur «, ajoute M.Aouni.

« Nos ingénieurs doivent être le plus compétent possible pour ne pas que les entreprises sous-traitent avec des pays comme l'Inde et la Chine «, ajoute M.Aouni. « Et la seule façon de faire, conclut-il, c'est de profiter de la proximité de tous les acteurs de l'industrie pour former les meilleurs ingénieurs en Amérique du Nord. «

- Annie Mathieu