Les modalités du partenariat stratégique entre Bombardier et le conglomérat chinois AVIC I restent floues, quatre mois après le dévoilement d'une entente de principe.

Qui seront les clients du grand jet régional chinois? Quelles seront les redevances versées à Bombardier? Qui fabriquera quoi pour les avions de la future CSeries?

Aucun contrat n'a encore été signé et le président de Bombardier Chine, Jianwei Zhang, est incapable de dire si les partenaires trinqueront bientôt avec du vin Great Wall. Question de semaines, de mois?

«Il n'y a aucune date butoir», répond le dirigeant, en ajoutant que «le plus tôt sera le mieux».

Le partenariat annoncé en juin lors du salon aéronautique Le Bourget a épaté la galerie. Bombardier et AVIC I, qui sont par ailleurs concurrents, ont convenu de collaborer sur deux projets précis.

Bombardier investirait 100 millions US dans le ARJ21-900, un jet régional de 98 à 105 sièges assemblé à Shanghai par un consortium d'entreprises chinoises contrôlées par la société d'État AVIC I.

Cet avion est une version allongée du ARJ21-700, un jet de 78 à 85 sièges qui serait mis en service en 2009.

Bombardier s'est aussi engagé à offrir une «assistance technique» pour le ARJ21-900, qui serait livré, lui, en 2011. L'entreprise montréalaise aiderait AVIC I à obtenir la certification de l'appareil en Occident.

En contrepartie, Bombardier doit recevoir des redevances sur les ventes des ARJ21-900.

Par ailleurs, AVIC I investirait 400 millions US dans la CSeries, advenant le lancement de cette famille d'avions. Des entreprises d'AVIC I fournirait des éléments structuraux de ces avions, dont le fuselage central. En partageant certaines pièces, les partenaires espèrent abaisser leurs coûts de production.

Cette entente de principe comporte encore plusieurs zones d'ombre.

Les redevances

Quelles sont les redevances que Bombardier recevra pour chaque ARJ21-900 vendu?

Est-ce un pourcentage des ventes de cet appareil dont le prix, gardé secret, est réputé inférieur à ceux d'appareils concurrents (le CRJ1000 de Bombardier et le E-190 d'Embraer)?

«Ce n'est pas nécessairement un pourcentage. Cela pourrait être un montant fixe ou autre chose. Tout dépend des négociations», dit Jianwei Zhang.

Bombardier ne fait pas dans l'aide caritative; elle s'attend à recevoir un rendement sur son investissement en Chine, indique Benjamin Boehm, directeur de la gestion du projet de la CSeries.

AVIC I lance toutefois son avion ARJ21-900 sans avoir de commande en poche, contrairement à la pratique. L'avionneur chinois affirme avoir vendu 71 avions. Mais la presse spécialisée ne comptabilise que 35 ventes fermes, toutes du ARJ21-700, pour lesquelles Bombardier ne recevra rien.

AVIC I prévoit vendre 500 jets régionaux d'ici 20 ans, mais n'a jamais spécifié la part de chaque modèle.

L'investissement

Où irait l'investissement de 400 millions US pour la CSeries? Pas dans la CSeries, justement.

Ce sont les investissements qu'AVIC I ferait dans ses entreprises, pour qu'elles deviennent des fournisseurs de premier niveau de Bombardier.

«L'argent ira à celui qui construira le fuselage de la CSeries, pour payer l'usine, la recherche, l'outillage, etc.», explique Benjamin Boehm.

Ainsi, la somme n'est pas comptabilisée dans les 700 millions que les fournisseurs de la CSeries devront investir dans le projet, qui coûtera plus de 2,1 milliards US au total.

Qui fait quoi?

Quelles pièces AVIC I fournira-t-elle pour la CSeries? Et qui les fabriquera? C'est l'objet de tiraillements au sein du conglomérat chinois.

Le ARJ21-900 et la CSeries sont censés avoir le même fuselage central. Mais avant l'annonce de l'entente, Bombardier avait confié cette pièce à la Shenyang Aircraft Corporation (SAC), son partenaire de longue date.

Or, AVIC I a attribué le fuselage central des ARJ21 à Xi'an Aircraft International.

«D'un côté, Bombardier préfère travailler avec Shenyang. Mais de l'autre, nous devons respecter la décision de notre partenaire AVIC 1», dit Jianwei Zhang.

Peut-on faire des économies d'échelle si les deux fuselages ne sont pas fabriqués au même endroit?

«Il y a des économies à partager la R&D et l'outillage», note Benjamin Boehm. Un peu, donc, mais ce n'est pas idéal.

En revanche, d'autres pièces de la CSeries pourraient être confiées à des entreprises de AVIC I. Par exemple, SAC doit fabriquer l'empennage des jets régionaux chinois et pourrait faire la même chose pour la CSeries.

Bref, il reste de nombreuses questions à régler. Toutefois, Bombardier n'affiche aucune inquiétude. «Ce sont deux grosses familles d'avions, dit Benjamin Boehm. Cela prend du temps pour régler tous les détails.»

«Comment cela fonctionnera, on ne le saura pas tant que le contrat ne sera pas signé, dit Jianwei Zhang. Ce qui compte, c'est que la coopération est bien établie.»

Ce reportage a été réalisé grâce à une bourse de la Fondation Asie-Pacifique du Canada.