Ni tétanos, ni polio, ni rougeole : Ethan Lindenberger a passé ses 18 premières années sans aucun vaccin. Mais en décembre, contre l'avis de sa mère, il est allé se faire vacciner, une rébellion qui lui a valu une invitation au Congrès américain.

«J'ai grandi avec une mère croyant que les vaccins sont dangereux, car elle en parlait ouvertement en ligne et en personne», a témoigné l'étudiant mardi devant des sénateurs américains, aux côtés d'experts et d'un responsable de la santé publique.

Le jeune homme est devenu en quelques semaines un héros des pro-vaccins aux États-Unis, où experts et élus débattent des «poches» de gens réfractaires, à l'origine de plusieurs foyers de rougeole en ce moment, comme dans d'autres pays tels le Madagascar, la France, le Brésil et l'Ukraine.

Pour Ethan Lindenberger, venu en costume-cravate, «ce fut une lente progression pour commencer à voir les preuves». «J'étais intrigué par le fait que tant de gens réfutaient ma mère» en ligne. C'est sur Facebook que sa mère se renseigne sur les vaccins.

Lui, au contraire, a commencé à s'informer auprès des CDC - les autorités sanitaires américaines - d'organisations de santé publique et de revues scientifiques.

Mais quand il montrait à sa mère les articles scientifiques montrant par exemple que le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) ne provoquait pas l'autisme, elle lui répondait : «C'est ce qu'ils veulent te faire croire».

Sa notoriété a pour origine en novembre une publication sur Reddit intitulée : «Mes parents sont un peu stupides et ne croient pas aux vaccins. Maintenant que j'ai 18 ans, où est-ce que je peux aller me faire vacciner ? Puis-je me faire vacciner à mon âge ?»

De nombreux vaccins sont théoriquement obligatoires aux États-Unis pour aller à l'école. Mais 47 des 50 États permettent des dispenses pour motifs «personnels», «philosophiques» ou «religieux». Dont le sien, l'Ohio.

Ethan a reçu des milliers de réponses, au point d'être repéré par plusieurs médias... et des sénateurs.

Quelques semaines après sa publication, il recevait les vaccins contre les hépatites A et B, la grippe, le tétanos et le papillomavirus. Depuis, dit-il, il a aussi reçu les vaccins ROR et contre la polio.

Désinformation sur Facebook

«J'aimerais bien être invité au repas de Thanksgiving dans votre maison», a ironisé le président de la commission, le républicain Lamar Alexander.

«Je salue votre esprit critique», a ajouté un autre sénateur, Tim Kaine.

La mère d'Ethan, elle, n'a pas témoigné publiquement.  

«Je continue à être aussi respectueux et gentil que possible, et à lui montrer la vérité», a-t-il dit après l'audition. «Je pense qu'elle comprend que c'est important pour moi. Cela suffit en soi à construire une relation».

De fait, le fils, qui vit avec son père et veut devenir pasteur, croit fermement que le refus vaccinal de sa mère partait d'un bon sentiment. Il en veut surtout aux sites et réseaux sociaux sur lesquels sa mère se renseignait, et qui multiplient les «anecdotes» à défaut d'études rigoureuses.

«Les gens ne réagissent pas vraiment aux chiffres et aux données», a-t-il dit. «Ma mère défendait sa position en disant qu'elle connaissait des gens et qu'elle avait vu des histoires. Mais corrélation n'est pas causalité».

L'élève est venu avec des idées. Selon lui, il faut répondre aux histoires personnelles par des histoires tout aussi personnelles sur les morts et complications des maladies infectieuses contre lesquelles des vaccins existent. «Si on convainc les parents que leurs enfants sont en danger», a-t-il plaidé, «on parviendra mieux à leur faire changer d'avis».

Il a quatre frères et soeurs plus jeunes, et tente de les persuader.

«À ce stade, ils commencent à pencher sérieusement de mon côté», confie Ethan Lindenberger.

Certains n'ont pas été touchés par les arguments du jeune homme. Au fond de la salle, des militantes anti-vaccins étaient venues de loin pour assister à l'audition.

L'une d'elles, Jena Dalpez, de l'État de Washington qui compte plus de 70 cas de rougeole depuis janvier, reste convaincue que les vaccins sont plus dangereux que les maladies contre lesquels ils protègent. Quand les enfants non-vaccinés sont infectés, dit-elle, leurs parents «connaissaient les risques».