En 2007, la Russie a planté un drapeau au fond de l'océan Arctique, sur le pôle Nord, dans des eaux revendiquées par le Canada. Mais le pôle Nord magnétique, situé depuis 400 ans au Canada, se déplace réellement vers la Sibérie. Sa trajectoire s'est accélérée ces dernières années, au point qu'un ajustement d'urgence des modèles est devenu nécessaire en janvier pour que les GPS des téléphones puissent continuer de bien fonctionner.

Mouvement accéléré

« On savait que le mouvement du pôle Nord s'accélérait, mais récemment, on a constaté que c'était beaucoup plus que les prévisions les plus extrêmes », explique Guillaume St-Onge, géophysicien à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR), qui organisait une série d'ateliers sur le magnétisme terrestre lors du congrès annuel de l'Union géophysique américaine (AGU), en décembre dernier. « Il vient de dépasser la ligne de changement de date. » Au congrès de l'AGU, des chercheurs de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA) ont plaidé pour une révision hâtive du « modèle magnétique mondial » des pôles magnétiques utilisés par les systèmes de navigation comme le GPS. Ces révisions ont lieu tous les cinq ans, et la prochaine devait être en 2020. La révision a été retardée par la quasi-fermeture du gouvernement américain (shutdown), en raison du bras de fer entre le président Donald Trump et les démocrates qui contrôlent le Congrès au sujet du mur à la frontière mexicaine.

Un phénomène mal compris

Le pôle magnétique varie selon le flux des métaux liquides présents dans le noyau externe terrestre, notamment le fer et le nickel. « On comprend mal pourquoi le pôle magnétique change de place et pourquoi son mouvement s'accélère, dit M. St-Onge. Il y a plusieurs théories, mais on ne peut évidemment pas aller voir dans le noyau ce qui se passe. » Le concept est connu par les marins depuis le Moyen Âge, mais c'est au XVIIe siècle que la notion moderne de pôle magnétique a été élaborée. Le pôle Nord a été localisé lors d'une expédition britannique en Arctique en 1831, dans la péninsule Boothia, dans l'actuel Nunavut. Depuis une vingtaine d'années, des analyses géologiques ont permis de reconstruire l'itinéraire du pôle Nord magnétique depuis 2000 ans. Pendant l'Empire romain, il était en Sibérie, puis il a migré vers l'ouest en suivant la côte arctique russe, selon Guillaume St-Onge, de l'UQAR. Au XIIIe siècle, il se trouvait en mer du Nord, puis il a traversé le Groenland avant d'entrer, au XVIIe siècle, dans le Canada actuel.

Trois pôles

Le pôle Nord magnétique ou géomagnétique a deux cousins : le pôle géographique, lié aux cartes géographiques, et le pôle situé au sommet de l'axe de rotation de la Terre. Ce dernier était jusqu'à récemment au Canada, mais il a commencé voilà une demi-douzaine d'années à se diriger vers le Royaume-Uni.

Inversion des pôles

En 2003, le film The Core, mettant en vedette Hillary Swank, postulait que le champ magnétique terrestre s'arrêtait et ne protégeait plus la Terre contre les rayons cosmiques. Les variations du champ magnétique terrestre sont justement fascinantes pour les chercheurs. De temps à autre, les pôles magnétiques s'inversent, provoquant un arrêt temporaire et à d'autres moments un ralentissement important appelé « excursion ». Selon Guillaume St-Onge, la dernière inversion est survenue voilà 780 000 ans, et deux excursions ont été recensées il y a 32 000 et 41 000 ans - avec peut-être une autre plus récente, il y a 17 000 ans. Une étude publiée en 2014 dans la revue Quarternary Geochronology estimait que depuis 2,6 millions d'années, il y a eu 10 inversions et 27 excursions.

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En chiffres

15 km par an: déplacement du pôle Nord il y a 25 ans

55 km par an: déplacement récent du pôle Nord

10 km par an: déplacement récent du pôle Sud

Source : NOAA