«On peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres.» «Les chercheurs qui défendent les compagnies sont des vendus.» «On ne peut pas se fier aux études, un jour une dit blanc et le lendemain une autre dit noir.»

Ce type de commentaires, Yves Gingras les entend régulièrement. Pour ce professeur d'histoire des sciences de l'UQAM, la mauvaise compréhension de la méthode scientifique et surtout des statistiques est au coeur des méfiances envers la science.«Ce qui manque souvent pour comprendre la science et les enjeux technologiques, c'est un sens des probabilités, dit M. Gingras. Il faut avoir la capacité de savoir que le risque zéro n'existe pas, que dans tout choix il y a des bénéfices et des inconvénients. Par exemple, si on ferme tous les réacteurs nucléaires en Ontario, il va probablement falloir construire des centrales au gaz ou au charbon, ou affecter des rivières pour construire des barrages, parce qu'il est peu probable que les économies d'énergie possibles avec une augmentation de l'efficacité soient suffisantes.»

Capacité analytique

Le problème des évaluations traditionnelles de la culture scientifique, selon M. Gingras, c'est qu'elles n'abordent que rarement la capacité de faire une analyse coûts-bénéfices. «Savoir que la Terre tourne autour du Soleil, ou être capable de programmer son vidéo, c'est bien. Mais ça ne nous dit rien sur la capacité de raisonner dans des dossiers comme l'énergie nucléaire, les téléphones cellulaires ou les OGM.»Analphabétisme quantitatif

Quand le compte n'est pas bon

L'évaluation de la «numératie», ou de l'analphabétisme quantitatif, fascine de plus en plus les chercheurs. En 2003, Statistique Canada a publié une étude montrant que le quart des Canadiens ne peut pas répondre à une question impliquant une addition simple. Le questionnaire décrivait une élection fictive à laquelle s'étaient présentés trois candidats, en donnant le nombre de voix qu'ils avaient obtenus; il fallait trouver le nombre d'électeurs qui avaient voté dans cette circonscription. Une autre question demandait de tracer une ligne au tiers d'un contenant où étaient indiqués le quart, la demie et les trois quarts; plus de la moitié des Canadiens n'ont pas su répondre. Enfin, plus des deux tiers des Canadiens ne pouvaient pas lire un graphique simple, et moins d'un sur 10 parvenait à calculer un intérêt composé. Les résultats étaient légèrement moins bons au Québec.