(Washington) De plus en plus de technologies existent pour aider les aînés à rester dans leur domicile. Mais les besoins émotionnels sont souvent mal pris en compte par ces avancées technologiques. Au dernier congrès annuel de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), début mars à Washington, des conférenciers ont rapporté les dernières avancées dans le maintien à domicile.

Chutes

Entre 20 % et 30 % des placements en maison de retraite au Canada surviennent après une chute. Le spectre des fractures de la hanche est au cœur de l’œuvre de George Demiris. Cet « informaticien médical » de l’Université de Pennsylvanie a mis au point le système Sense4Safety, qui suit partout dans la maison la démarche des patients pour détecter les symptômes d’une instabilité.

On veut prévenir les chutes en détectant quand il y a un problème.

George Demiris, créateur du système Sense4Safety

« Ça peut être dû à une dégradation cognitive, à des problèmes physiques d’inflammation, par exemple, ou alors à un nouveau médicament. Si on règle le problème avant une chute, l’un des principaux motifs de placement en maison de retraite est prévenu », dit M. Demiris en entrevue en marge de la conférence.

IMAGE FOURNIE PAR GEORGE DEMIRIS

Image générée par le système Sense4Safety

Les capteurs infrarouges de Sense4Safety sont situés au plafond et sont en train d’être testés dans des maisons de retraite. M. Demiris estime que la technologie, qui coûtera moins de 1000 $ US, sera commercialisable d’ici une demi-douzaine d’années.

Exosquelettes

Une autre approche est de prévenir physiquement les chutes. « Plusieurs entreprises travaillent sur des déambulateurs ou des cannes qui détectent les obstacles et avertissent le patient », dit M. Demiris. Une autre approche serait d’utiliser un exosquelette allant des pieds jusqu’à la taille. « Ça serait vraiment une solution idéale, parce que l’exosquelette pourrait stabiliser un patient qui perd l’équilibre, dit M. Demiris. Mais on est probablement à une ou deux décennies du but, si on veut avoir une technologie fiable, que le patient peut enfiler lui-même le matin, à un coût abordable. Les chutes occasionnent des coûts de santé importants, mais la technologie actuelle d’exosquelettes est encore très dispendieuse. » Quelques exosquelettes de ce genre, dont un de l’entreprise québécoise B-Temia, sont approuvés aux États-Unis par la FDA pour l’aide à la marche, mais ils coûtent des dizaines de milliers de dollars.

Douches

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE I-SUPPORT

Le siège de la douche robotisée i-support

Un autre motif de placement important, l’incapacité à se laver, est dans la ligne de mire de Cecilia Laschi, une ingénieure mécanique italienne qui enseigne à l’Université de Singapour. « Pour les soins personnels, le défi est de mettre au point une “robotique douce” (soft robotics) qui ait la force nécessaire sans faire mal au patient », explique Mme Laschi. Elle a mis au point, dans le cadre d’un projet européen, i-support, une douche robotisée.

« Nous l’avons testée dans deux maisons de retraite allemandes, mais nous sommes encore au stade du prototype. Le défi est d’avoir une mécanique robuste et pas trop dispendieuse à installer. Je pense que d’ici trois ans, je pourrai tester un autre prototype dans des maisons de retraite à Singapour. » Mme Laschi veut intégrer à la douche robotisée, pour le moment un siège fixe entouré de deux jets d’eau stratégiquement placés, des instruments permettant de frotter le patient grâce à la « robotique douce », sur la base de ses travaux sur un modèle robotique de pieuvre.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ DE SINGAPOUR

Cecilia Laschi avec sa pieuvre robotisée

Conversation

Deux autres conférencières à Washington, Anne Turner, de l’Université de Washington à Seattle, et Robin Brewer, de l’Université du Michigan, sont des bioinformaticiennes spécialistes de la communication avec les personnes âgées. « L’un des grands problèmes des aînés est la gestion de leurs problèmes de santé, a expliqué Mme Brewer. Nous pensons que les agents conversationnels peuvent aider à organiser leur dossier médical de manière à ce qu’il soit compréhensible pour eux, dit Mme Brewer. Ainsi, ils pourraient prendre eux-mêmes leurs décisions de santé. Souvent, les proches et les médecins ne savent pas comment bien communiquer ces informations, ou alors n’ont pas le temps nécessaire pour réexpliquer plusieurs fois les mêmes informations. »

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ DU MICHIGAN

Robin Brewer

Les agents vocaux permettent de contourner la difficulté pour les aînés avec l’informatique, les claviers et les écrans tactiles.

Robin Brewer, bioinformaticienne spécialiste de la communication avec les personnes âgées de l’Université du Michigan

Mme Brewer a été surprise de voir la franchise de participants âgés à ses essais cliniques d’agents conversationnels de santé. « L’un des participants a dit : “Si Alexa [l’agent conversationnel d’Amazon] savait à quel état je suis réduit, elle pleurerait.” Pour moi, ça signifie qu’il y a de l’ouverture à l’utilisation de ces agents conversationnels, avec lesquels la crainte d’être un fardeau ou de poser trop de questions disparaît. On peut aussi mettre sur pied un journal de bord qui contiendra des informations utiles pour les soignants. » Un autre projet de Mme Brewer est un cabas robotique permettant de faire l’épicerie lentement. « Les personnes âgées craignent souvent de prendre trop de temps pour faire l’épicerie pour les aidants qui les accompagnent. »

Problèmes cognitifs

Mme Turner, elle, se spécialise dans la communication avec les patients atteints de problèmes cognitifs. « Il y a des façons meilleures que d’autres de communiquer avec ces patients, dit Mme Turner. On peut par exemple leur poser des questions sur leur passé pour voir quels types de décisions ils ont prises, et s’en inspirer pour les décisions à prendre dans le présent. On peut aussi utiliser des aides visuelles, des dessins simples, par exemple. Les agents conversationnels permettent de codifier ces meilleures pratiques. » Mme Turner dirige un projet sur le sujet de l’Institut national du vieillissement (NIA) du gouvernement américain, Decision Making in Alzheimer’s Research.

Intelligence artificielle

Un défi de taille est l’utilisation de l’intelligence artificielle. « Dans tous les essais d’agents conversationnels qui utilisent l’intelligence artificielle, on voit toujours la même crainte, dit M. Demiris. Est-ce qu’on va enfermer les aînés dans un monde parallèle où les interactions sociales sont subtilement mais radicalement différentes de celles avec les humains ? C’est un grand problème éthique, il faudra plusieurs années, voire une décennie, pour le résoudre. »

Main-d’œuvre

Est-ce que cela signifie que la pénurie de main-d’œuvre dans les soins aux aînés sera résorbée par la robotique ? « Certainement pas à court terme, dit M. Demiris. Il va nous falloir plusieurs années pour être certains que les agents conversationnels peuvent être introduits de manière systématique, de manière éthique et vraiment utile. Mais pour les tâches les plus difficiles, on verra dans les prochaines décennies une véritable révolution avec les exosquelettes. Ça devrait rendre ce type d’emplois moins durs et plus attrayants. »

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  • 1,1 %
    Proportion des chutes qui sont mortelles chez les hommes de 65-69 ans
    Source : Institut national du vieillissement
    0,6 %
    Proportion des chutes qui sont mortelles chez les femmes de 65-69 ans
    Source : Institut national du vieillissement
  • 15,3 %
    Proportion des chutes qui sont mortelles chez les hommes de plus de 84 ans
    Source : Institut national du vieillissement
    10,6 %
    Proportion des chutes qui sont mortelles chez les femmes de plus de 84 ans
    Source : Institut national du vieillissement