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Les émissions humaines de méthane sont-elles supérieures aux émissions naturelles ?

Julien Cordeau

Oui, si on regarde la planète entière. Mais au Canada, c’est le contraire.

Les émissions naturelles de méthane proviennent principalement des zones humides. Les émissions humaines sont quant à elles causées par l’agriculture, les dépotoirs et la production d’énergies fossiles, par exemple.

Un grand effort est d’ailleurs en cours pour mieux quantifier les sources humaines et naturelles de méthane au Canada, les premières étant considérées comme sous-évaluées.

En 2021 une étude de l’Université York a montré que les sources humaines représentent le tiers des émissions totales de méthane du Canada, une proportion deux fois plus élevée que les évaluations antérieures. À l’échelle planétaire, c’est toutefois 60 % des émissions de méthane qui proviennent de l’activité humaine.

Notons que le réchauffement du climat est causé à 80 % par le CO2 et à 20 % par le méthane, un gaz très puissant et nocif pour la planète, mais qui reste moins longtemps dans l’atmosphère que le CO2.

Pourquoi les sources naturelles de méthane jouent-elles un rôle plus important au Canada ? « Parce que le Canada a beaucoup de tourbières, qui sont des émetteurs de méthane », explique Sabour Baray, auteur principal de l’étude de 2021, qui travaille maintenant pour Environnement Canada.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Oliver Sonnentag, chercheur de l’Université de Montréal

L’étude de 2021, publiée dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics, a poussé un chercheur de l’Université de Montréal, Oliver Sonnentag, à mettre sur pied un vaste réseau de capteurs pour mesurer de façon précise les émissions naturelles de méthane et de COdans les Territoires du Nord-Ouest. « Les émissions de méthane dans l’ouest du Canada sont largement dominées par les sources naturelles, les tourbières boréales. Mais ces mêmes tourbières peuvent être un puits naturel de méthane et de CO2. Il y a beaucoup de variation saisonnière et d’année en année. »

Les émissions de méthane de l’industrie des hydrocarbures sont par ailleurs sous-estimées par les mesures au sol, selon Daniel Horen Greenford, spécialiste des fuites de méthane à l’Université Concordia. « Quand on utilise des satellites pour mesurer les fuites des infrastructures et des puits de pétrole, les chiffres sont toujours plus élevés. Il y a aussi des incertitudes sur les émissions de méthane des dépotoirs et de l’agriculture. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ CONCORDIA

Daniel Horen Greenford, spécialiste des fuites de méthane à l’Université Concordia

En se basant sur deux systèmes de satellites, l’étude de l’Université York a augmenté de 4 à 6 mégatonnes par année les émissions humaines de méthane du Canada par rapport aux évaluations des capteurs au sol. Les émissions naturelles sont passées de 20 à 11 mégatonnes.

La Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique sont responsables des deux tiers des émissions humaines de méthane.

Une version précédente de ce texte indiquait erronément que les concentrations atmosphériques de méthane étaient de 720PPM au XVIIIe siècle et de 1800PPM en 2000

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  • 0,72 PPM
    Concentration de méthane dans l’atmosphère au XVIIIe siècle
    Source : Atmospheric Chemistry and Physics
    1,8 PPM
    Concentration de méthane dans l’atmosphère en 2000
    Source : Atmospheric Chemistry and Physics