Après les États-Unis, le Canada risque de faire face à une hausse de la propagation d’un champignon mortel et de plus en plus résistant aux médicaments, Candida auris, préviennent des experts

Que se passe-t-il avec la propagation de ce champignon ?

Le champignon Candida auris, qui s’attaque principalement aux personnes hospitalisées, s’est propagé « à un rythme alarmant dans les établissements de santé américains en 2020-2021 », selon un nouveau rapport des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) publié lundi.

Le nombre de cas aux États-Unis est passé de 476 en 2019 à 1471 en 2021. « Et ça continue à progresser. Les chiffres qu’on a jusqu’à maintenant de 2022 [aux États-Unis] sont bien pires que ceux de 2021. C’est certainement très préoccupant », a déclaré Simon Dufresne, microbiologiste à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Est-ce que le Canada observe le même phénomène ?

Le nombre de cas détectés au Canada est beaucoup plus faible. Depuis 2012, 43 cas de Candida auris ont été signalés à l’Agence de la santé publique du Canada, dont 35 dans les cinq dernières années. Parmi ces cas, 19 proviennent du Québec et de l’Ontario, dont deux patients qui ont été infectés par le champignon à l’hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil, en septembre dernier.

Or, ce n’est qu’une « question de temps » avant que l’on observe une augmentation de sa présence au Canada, estime Adnane Sellam, chercheur à l’Institut de cardiologie de Montréal et spécialiste de Candida auris. « Il faut s’attendre [à observer une hausse] et il faut s’y préparer », renchérit M. Dufresne.

Est-ce que ce champignon est dangereux ?

Le taux de mortalité est d’environ 30 à 60 %, mais cette proportion est toutefois à nuancer. En effet, on peut être colonisé par le champignon sans développer une véritable infection, explique M. Sellam. Cette levure « super résistante » peut se loger sur la peau sans engendrer de symptômes.

Certains patients, souvent les personnes ayant une santé plus fragile ou un système immunitaire affaibli, développeront toutefois l’infection. Dans ces cas, la levure pénètre dans le sang et se propage dans tout le corps, indique M. Sellam. Elle engendre alors des symptômes comme la fièvre et des frissons.

Qui est à risque d’être infecté ?

L’infection à ce champignon touche principalement les patients hospitalisés ou immunosupprimés. Il se transmet avec des contacts directs ou par les surfaces, mais pas par aérosols. Les patients qui ont été hospitalisés dans un établissement de santé pendant une longue période, qui ont un cathéter veineux central ou qui ont déjà reçu des antibiotiques ou des médicaments antifongiques semblent être les plus exposés au risque d’infection par cette levure, détaillent les CDC.

Est-ce que l’infection est facile à traiter ?

L’infection à ce champignon est souvent résistante à plusieurs médicaments couramment utilisés pour la traiter. « On n’a pas beaucoup d’options [de traitement]. C’est une source d’inquiétude énorme, car un médecin ou un infectiologue devrait toujours avoir des options pour traiter ces patients », dit M. Sellam.

Aux États-Unis, le nombre de cas résistants à l’échinocandine, le médicament antifongique le plus recommandé pour le traitement de cette infection, a triplé en 2021. Au Canada, le tiers des cas étaient multirésistants.

Comment fait-on pour limiter sa transmission ?

Il faut qu’on soit prêt à dépister cet organisme chez les patients, indique M. Dufresne. « Depuis 2017, on a des protocoles au Québec autant pour guider les hôpitaux si on a un patient colonisé ou infecté que des guides de pratique pour les laboratoires », explique-t-il. « Puisqu’il y a peu de cas au Canada, c’est un peu tôt probablement pour lancer un programme de surveillance très agressif, mais on est en état d’alerte », ajoute-t-il.

Est-ce qu’il y a un lien entre la propagation de ce champignon et les changements climatiques ?

Possiblement. Selon le Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses du Canada, il y a des raisons de croire que la hausse des températures attribuable aux changements climatiques contribue à la propagation du champignon. « Dès qu’il y a l’augmentation d’un stress, en l’occurrence la chaleur, [le champignon] peut muter, ce qui le prédispose à être un pathogène humain », explique M. Sellam.