Notre journaliste assiste à Washington à la réunion annuelle de l’Association américaine pour l’avancement des sciences, la plus grande rencontre de science généraliste au monde.

(Washington) Des microbes génétiquement modifiés et la valorisation du purin pour aider les fermes bovines à produire moins de méthane. Des robots liés à des satellites pour repérer et exploiter les fuites de méthane des puits et gazoducs interrégionaux et urbains. Voilà les deux piliers du plan américain de réduction de 30 % des émissions de méthane d’ici 2030.

« S’attaquer au méthane nous permet d’agir rapidement sur le climat », explique Lori Bruhwiler, responsable de la surveillance du méthane de l’Administration océanique et atmosphérique des États-Unis (NOAA). « Il disparaît en dix ans de l’atmosphère et c’est un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le CO2. C’est un fruit à notre portée. » Le CO2 persiste 100 ans dans l’atmosphère.

Le plan américain de réduction des émissions de méthane, dévoilé en 2021, vise les sociétés exploitant les hydrocarbures au premier chef. « Les estimations des réductions économiquement viables des émissions liées à la production et au transport du pétrole et du gaz vont de 45 % à 77 %, dit Mme Bruhwiler. Ça ne coûterait rien aux sociétés, ce qui fait qu’on peut penser que le secteur pourrait diminuer ses émissions davantage, de 50 %. Mais pour le moment, seuls deux des cinq grands producteurs aux États-Unis ont annoncé qu’ils souscrivaient à notre plan de réduction de moitié. Alors, je crois qu’il faudra plutôt viser les autres émissions sur lesquelles on peut agir rapidement, notamment les fermes bovines et les dépôts d’ordures. »

Biogaz dans les fermes

En ce qui concerne les dépôts d’ordures, la captation des biogaz est financée par des programmes bien établis. Ces programmes sont en train d’être étendus aux fermes bovines, selon Deanne Meyer, agronome de l’Université de Californie à Davis.

« C’est particulièrement important dans les fermes des États qui ont un hiver froid, parce que les déjections des vaches y sont recueillies sous forme liquide, explique-t-elle. Les émissions de méthane sont plus importantes qu’avec du purin solide, comme dans les fermes ouvertes du sud des États-Unis. Nous avons 250 projets de biogaz sur 240 fermes en Californie, dont la moitié sont subventionnées par les programmes climatiques fédéraux. Nous pensons pouvoir réduire du quart les émissions du secteur bovin d’ici 2030 en grande partie avec le biogaz. »

Les travaux s’attardent sur les rots des vaches, source de 80 % des émissions des bovins.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ DE CALIFORNIE À DAVIS

Deanne Meyer, agronome de l’Université de Californie à Davis

On essaie des algues, des probiotiques, des microbes différents, des microbes génétiquement modifiés. Mais jusqu’à maintenant, rien ne fonctionne durablement.

Deanne Meyer, agronome de l’Université de Californie à Davis

« C’est comme si l’usine à méthane que constitue une vache réussissait toujours à revenir à sa production normale au bout de six à huit semaines, même pour les probiotiques approuvés en Europe pour l’alimentation bovine », indique Mme Meyer.

« Il y a aussi le problème des études de lactation : pour qu’une nouvelle technique soit adoptée, dit l’agronome, il faut suivre la lactation sur un an, pour détecter tout changement de performance. »

Éviter les fuites

Pour vaincre les résistances du secteur des hydrocarbures, Arvind Ravikumar, ingénieur géologique de l’Université du Texas à Austin, met sur pied un système intégrant les mesures par satellite, par avion, par drone, sur automobile et sites fixes des émissions de méthane. « L’objectif est de quantifier exactement le méthane qui s’échappe et de voir où et comment les émissions peuvent être évitées, et surtout lesquelles peuvent l’être. Il y a parfois des variations par un facteur de 100 dans la même journée. Et 40 % des émissions sont dues à des évènements catastrophiques, qui ne représentent que 1 % des fuites individuelles. »

La lutte contre les émissions de méthane est particulièrement importante parce qu’elle pourrait être intensifiée si des signaux d’alarme catastrophiques apparaissent, selon Mme Bruhwiler. « Le méthane est justement l’un des grands dangers des changements climatiques. Il y a dans le pergélisol arctique quatre fois plus de méthane que l’humanité n’en a jamais émis, depuis les débuts de l’agriculture. Si la température augmente de 3 °C, les émissions de méthane pourraient doubler d’ici le XXIIe siècle. »

D’autres nouvelles du congrès

Évaluer l’équilibre

Des chercheurs de Harvard ont mis au point un lecteur de pression plantaire portatif qui pourrait pour la première fois permettre de quantifier l’équilibre d’une personne et donc son risque de chute. Deux études sont en cours pour confirmer l’utilité clinique de ce lecteur de pression plantaire. Les chutes chez les personnes âgées font 39 000 morts chaque année aux États-Unis. En transposant ces chiffres au Québec, on arrive à un bilan de 1000 morts par année.

Un vaste radiotélescope

PHOTO TIRÉE DU SITE DU NATIONAL RADIO ASTRONOMY OBSERVATORY

Le très grand observatoire au Nouveau-Mexique

Près de 250 antennes dans quatre États américains et au Mexique : c’est le projet de « très grand observatoire de deuxième génération » (ngVLA, next-generation Very Large Array) qu’ont mis au point des astronomes américains. Leur observatoire actuel, le VLA, comprend 28 antennes au Nouveau-Mexique et formerait le cœur du ngVLA. Le projet, qui vise une mise en service en 2035, pourrait impliquer le Canada. Le VLA a été popularisé par le film de 1997 Contact avec Jodie Foster.

Un troisième bras

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE

Le troisième bras de l’École polytechnique fédérale de Lausanne utilisé par un étudiant

Un neuroingénieur suisse a mis au point un « troisième bras » robotique qui pourrait éventuellement être contrôlé par le cerveau humain. Silvestro Micera, de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, a présenté vendredi son plan pour y parvenir. Des « troisièmes bras » ont déjà été inventés, notamment par l’armée américaine, mais ils sont manipulés par les deux mains de leur opérateur et ont pour objectif d’augmenter la force humaine. Plus traditionnelle, la neuropsychologue Tamar Makin, de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni, a fait une démonstration de son « deuxième pouce » contrôlé par le gros orteil par l’entremise d’un fil – une version sans fil est en préparation. Ce deuxième pouce permet de tenir quelque chose tout en se servant de ses doigts.

En savoir plus
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    Contribution du méthane aux changements climatiques depuis 20 ans
    Source : NOAA