Une cosmonaute russe a décollé mercredi vers la Station spatiale internationale depuis les États-Unis, à bord d’une fusée de l’entreprise américaine SpaceX, une mission qui revêt un caractère particulièrement symbolique en pleine guerre en Ukraine.

Anna Kikina, seule femme cosmonaute russe actuellement en service actif, fait partie de l’équipage Crew-5, également composé d’un Japonais et de deux Américains, dont Nicole Mann, qui est devenue la première Amérindienne à se rendre dans l’espace.

Le décollage a eu lieu mercredi midi depuis le centre spatial Kennedy, en Floride. Il s’agit de la cinquième mission régulière vers la Station spatiale (ISS) assurée par SpaceX pour le compte de la NASA.

Il y a deux semaines, un Américain avait décollé pour l’ISS à bord d’une fusée russe Soyouz.

Ce programme d’échange d’astronautes, prévu de longue date, a été maintenu malgré les très fortes tensions entre les deux pays depuis l’invasion de l’Ukraine par Moscou en février. Assurer le fonctionnement de l’ISS est ainsi devenu l’un des très rares sujets de coopération entre les États-Unis et la Russie.

Sergueï Krikaliov, le directeur des vols habités pour l’agence spatiale russe Roscosmos, était présent sur place en Floride pour ce qui a semblé s’apparenter à une offensive de charme, après des propos tonitruants de ses supérieurs ces derniers mois.

Lors d’une conférence de presse suivant le décollage, il a salué ces vols conjoints comme « une nouvelle phase de coopération », mentionnant notamment un vol spatial américano-russe en 1975, alors symbole de détente durant la Guerre froide.

Transporter le citoyen d’une autre nation est « une énorme responsabilité », avait souligné lors d’une conférence de presse fin septembre Kathy Lueders, administratrice associée à la NASA.

Interrogée sur les rapports entretenus actuellement avec Roscomos, elle avait déclaré : « Sur le plan opérationnel, nous avons vraiment apprécié la constance de la relation, même durant une période très difficile sur le plan géopolitique. »

Passation

Anna Kikina, 38 ans et ingénieure de formation, devient la cinquième femme russe cosmonaute professionnelle à se rendre dans l’espace. « J’espère que, dans un futur proche, nous aurons davantage de femmes dans le corps des cosmonautes », avait-elle déclaré en août à l’AFP.

Il s’agit également du premier vol spatial des astronautes américains Nicole Mann et Josh Cassada, mais du cinquième pour le Japonais Koichi Wakata.

Après un voyage d’environ 30 heures, leur vaisseau s’amarrera jeudi à la station, à environ 400 km d’altitude.

Les membres de Crew-5 rejoindront les sept personnes déjà à bord (deux Russes, quatre Américains et une Italienne).

Quelques jours de passation sont prévus avec les quatre membres de Crew-4, avant que ceux-ci ne soient renvoyés sur Terre.

L’équipage de Crew-5 doit pour sa part passer environ cinq mois en orbite et mener plus de 200 expériences scientifiques.

Anna Kikina est la première russe à voler dans une fusée Falcon 9, conçue par l’entreprise du milliardaire Elon Musk.

Ce dernier s’est immiscé dans le débat sur la guerre en Ukraine lundi, en demandant à ses abonnés Twitter de voter sur sa propre suggestion pour régler le conflit entre Kyiv et Moscou. L’ambassadeur ukrainien en Allemagne lui a répondu, toujours sur Twitter, d’aller « se faire voir ».

Avenir flottant

Les tensions entre Moscou et Washington se sont considérablement accrues dans le domaine spatial après l’annonce de sanctions américaines contre l’industrie aérospatiale russe, en riposte à l’invasion de l’Ukraine.

Le précédent chef de l’agence spatiale russe avait ainsi tenu des propos menaçants sur un possible écrasement de l’ISS si les Russes ne pouvaient plus y participer. Puis cet été, son successeur a déclaré que la Russie quitterait l’ISS « après 2024 », en faveur de la création de sa propre station orbitale — sans pour autant fixer de date précise pour un retrait.

« Nous allons continuer à voler (avec) la Station spatiale internationale tant que notre nouvelle infrastructure sera en construction », a déclaré mercredi Sergueï Krikaliov, de chez Roscosmos. Or cette construction n’a pas encore commencé, et selon les experts, devrait prendre de nombreuses années.

M. Krikaliov avait déjà dit lundi « espérer » que son gouvernement accepte de prolonger la participation à l’ISS après 2024.

Les Américains ont eux annoncé vouloir continuer à opérer la station jusqu’en 2030.

En l’état actuel des choses, l’ISS ne peut fonctionner sans l’un des deux segments dont elle est composée, l’un américain, l’autre russe. Ce dernier assure notamment le maintien en orbite grâce à un système de propulsion.