De la cuillère antitremblements à l’aide à l’écriture, une équipe de l’Université Laval, à Québec, développe des technologies pour faciliter la vie des personnes handicapées. Son outil : la mécatronique.

Pour Sébastien Lepage, chaque activité du quotidien est un véritable défi. Atteint de paralysie cérébrale, il a recours à de l’aide physique autant pour se lever que pour se nourrir et se laver.

« Sébastien, c’est une inspiration pour moi, affirme son bon ami Alexandre Campeau-Lecours. Je voyais tous ces défis qu’il vivait et je me disais qu’il y avait quelque chose à faire pour aider. »

Professeur à la faculté des sciences et de génie de l’Université Laval, Alexandre Campeau-Lecours s’est donné pour mission d’accroître l’autonomie de personnes aux prises avec divers handicaps : déficience motrice cérébrale, lésion de la moelle épinière, dystrophie musculaire, etc. Il a établi un laboratoire d’ingénierie de la réadaptation, affilié à son université.

« Dépendamment du problème, on va avoir une approche axée surtout sur la mécanique ou surtout sur l’électronique », explique le professeur. Ce mélange de domaines est appelé la mécatronique.

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Véronique Flamand et Alexandre Campeau-Lecours

Véronique Flamand, professeure au département de réadaptation de l’Université Laval et ergothérapeute de profession, travaille en étroite collaboration avec ce laboratoire. « Ce qu’on développe, ce sont des produits qui se démarquent de ce qui existe déjà, soit par leur plus faible coût d’utilisation, soit par leur facilité d’utilisation, ou soit par leurs caractéristiques qui viennent cibler des troubles précis », soutient-elle.

Aide à l’alimentation

Certains troubles du mouvement sont des fardeaux lorsque vient le temps de s’alimenter. « On a travaillé, par exemple, avec un enfant qui avait beaucoup de spasmes, indique Véronique Flamand. Il échappait sa nourriture lorsqu’il tenait un ustensile. Ça le dérangeait énormément, parce qu’il n’aimait pas faire de dégâts. »

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Cette cuillère mécanique conçue par le laboratoire d’Alexandre Campeau-Lecours garde toujours son contenu droit.

Un appareil conçu par l’équipe de l’Université Laval vient contrer ces mouvements involontaires. Son bras mécanique est doté d’amortisseurs qui réagissent en cas de spasme. Le mécanisme assure ainsi que l’ustensile gardera une trajectoire droite, de l’assiette à la bouche.

« Quand on a fait des tests, l’enfant a mangé toute sa collation sans dégâts, raconte Véronique Flamand. Il était tout souriant. »

Pour pallier les autres troubles du mouvement, le laboratoire d’Alexandre Campeau-Lecours n’est pas à court de solutions.

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Alexandre Campeau-Lecours, professeur à la faculté des sciences et de génie de l’Université Laval

On a fait une cuillère antitremblements qui peut être utilisée par les personnes atteintes de parkinson. On a une autre cuillère mécanique qui garde toujours son contenu droit.

Alexandre Campeau-Lecours, professeur à la faculté des sciences et de génie de l’Université Laval

Faciliter l’écriture

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Un mécanisme d’aide à l’écriture conçu par l’équipe d'Alexandre Campeau-Lecours

En partant d’un principe similaire à celui du bras mécanique, les chercheurs ont conçu un mécanisme d’aide à l’écriture. L’appareil facilite le traçage de lettres et amortit tout mouvement trop brusque du crayon.

L’écriture manuscrite joue un rôle majeur dans le développement des enfants. Elle aide notamment à la mémorisation, à la reconnaissance des lettres et à la résolution de problèmes mathématiques. « On utilise l’aide à l’écriture avec des enfants et lorsqu’ils parviennent à tracer les lettres de leur nom, ça les rend très fiers », s’enthousiasme Véronique Flamand.

Appareils adaptés

Manon Blaney avait quant à elle des besoins plus spécifiques. Elle travaille au quotidien avec son ordinateur et son numériseur. Or, elle est atteinte d’une amyotrophie de type II qui affaiblit tous les muscles de son corps. « Pour ouvrir mon numériseur, rien ne pouvait m’aider, soutient-elle. Même en accrochant une poulie, je n’aurais pas eu la force de tirer la corde. »

Un étudiant du laboratoire a donc conçu un moteur électronique qui ouvre et ferme le numériseur automatiquement. « C’est vraiment très aidant ! », s’exclame-t-elle.

L’équipe d’Alexandre Campeau-Lecours a conçu plusieurs de ces technologies personnalisées : pouce articulé pour une personne amputée, adaptation permettant à une personne paralysée d’un seul côté du corps de faire du vélo, etc.

Surmonter les obstacles

Bientôt, ce sera au tour de Sébastien Lepage de pouvoir utiliser l’aide à l’écriture et à l’alimentation. « Chaque tâche où je peux être plus autonome est un cadeau du ciel, souligne-t-il. Un ‟peux-tu ?” de moins à demander fait toute la différence sur l’estime de soi-même et les relations humaines. »

Grâce à des technologies d’assistance comme celles développées par son ami, M. Lepage repousse constamment ses limites. Il parvient à faire du ski alpin, du deltaplane et du parachute.

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Sébastien Lepage, qui vit avec la paralysie cérébrale, peut compter sur le bras robotisé JACO pour l’aider dans une multitude de tâches quotidiennes.

J’aimerais que la société, dont les dirigeants d’entreprise, reconnaisse le grand potentiel des personnes vivant avec des limitations physiques.

Sébastien Lepage, atteint de paralysie cérébrale

Le prochain but pour l’équipe du laboratoire sera de rendre ses technologies accessibles au plus grand nombre, en travaillant de pair avec les entreprises partenaires et les utilisateurs potentiels.

« On peut être en contact avec des personnes qui vivent des choses difficiles, admet Véronique Flamand. Mais moi, je regarde ça du bon côté en me disant que si on peut les aider le mieux possible, c’est ça, la paye à la fin de la journée. »

D’autres technologies créatives d’ici

MiWe est un simulateur virtuel de fauteuil roulant. Dans le style d’un jeu vidéo, il permet de s’entraîner de façon sécuritaire à rouler dans différents environnements : supermarché, ascenseur, salle de bains, etc. Il a été conçu par des chercheurs du Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR).

Keeogo est un exosquelette développé par la société québécoise B-Temia. Cette orthèse motorisée contrôlée par l’intelligence artificielle se fixe aux jambes pour faciliter la démarche de personnes en perte de mobilité.

JACO est un bras robotisé qui s’installe sur les fauteuils motorisés. Il permet d’accomplir toutes sortes de tâches du quotidien, comme manger, se brosser les dents ou ramasser un objet. Il est construit par la société Kinova, où a travaillé Alexandre Campeau-Lecours et où travaille actuellement Sébastien Lepage.

Consultez le site du Laboratoire d’ingénierie de la réadaptation de l’Université Laval
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  • Plus de 16 %
    Environ 1 053 350 personnes âgées de 15 ans et plus au Québec ont au moins une incapacité. Il s’agit de 16,1 % de la population de 15 ans et plus.
    Source  : Enquête canadienne sur l’incapacité, 2017