Il y aura 15 000 passages d’un virus d’une espèce animale à l’autre d’ici 2070, estime une nouvelle étude. Or, de telles transmissions virales mènent parfois à une adaptation du virus à l’humain. Cela signifie qu’il y aura probablement davantage de nouvelles épidémies, voire de pandémies.

« C’est un processus qui est déjà en cours », a expliqué en téléconférence de presse Gregory Albery, de l’Université Georgetown, l’un des coauteurs de l’étude publiée jeudi dans la revue Nature. « C’est l’un des aspects du réchauffement climatique qui est inéluctable. Il survient même dans les scénarios les plus optimistes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). »

Les experts climatiques mettent souvent l’accent, avec raison, sur les mesures à prendre pour minimiser les changements climatiques, indique un autre coauteur, Colin Carlson aussi de Georgetown, qui fait partie de l’équipe du GIEC. « Mais dans le cas des zoonoses – maladies qui passent de l’animal à l’homme – et des pandémies, il faut plutôt mettre l’accent sur les moyens de répondre à un problème inévitable, a dit M. Carlson durant la conférence de presse de mercredi. Il faut assurer un meilleur suivi des zoonoses, renforcer nos systèmes de santé. »

Chauves-souris impliquées

Sur les plus de 3300 espèces de mammifères étudiées par les chercheurs, les chauves-souris sont parmi les plus impliquées dans la transmission virale, parce qu’elles volent loin et que leur système immunitaire très robuste leur permet d’être porteuses de nombreux virus sans être malades. La pandémie de COVID-19 tire probablement son origine d’un virus de la chauve-souris qui a été transmis à un animal sauvage vendu dans les marchés chinois, peut-être le pangolin.

L’Ebola et le VIH sont d’autres virus qui sont passés d’un mammifère à un autre avant de muter suffisamment pour infecter l’humain.

L’étude de Nature a modélisé les modifications possibles de l’aire de répartition de ces mammifères, en fonction des changements climatiques. La probabilité d’un passage d’un virus d’une espèce à une autre, liée aux similitudes génétiques entre les différents mammifères, a aussi été modélisée. « C’est un travail de plusieurs années », a dit M. Carlson. Le nombre de mammifères étudiés représente environ la moitié de toutes les espèces et est donc relativement représentatif.

Même l’Arctique n’est pas épargné

La plupart des transmissions de virus d’une espèce à l’autre surviennent en Asie et en Afrique, en raison de leur riche biodiversité. « Mais il est possible qu’il y ait aussi dans l’avenir beaucoup de passages viraux en Amérique du Sud, dit M. Carlson. Pour des raisons mystérieuses, les chercheurs estiment que le phénomène n’arrive pas souvent en Amérique du Sud, mais la très grande biodiversité qui y est présente se prête certainement au phénomène. Peut-être qu’on manque simplement de données sur la région. On connaît très peu de choses sur les virus animaux sud-américains. »

Le passage des virus d’une espèce à une autre posera aussi un problème pour la faune. « En Arctique, la perte de la banquise facilitera la transmission des virus entre mammifères marins. Ça pourrait dévaster certaines populations, dit M. Carlson. On voit déjà des signalements de mortalité massive de phoques en Arctique. »

Plusieurs journalistes ont demandé des exemples précis de transmission virale possible. Mais les chercheurs n’ont pas voulu être plus précis. « Si je parle d’un évènement possible qui surviendra la première fois qu’un tigre rencontrera un cervidé, mais que ça n’arrive pas, ça diminue la crédibilité de la science », a expliqué M. Carlson.

La prochaine étape est de mieux modéliser le comportement des animaux quand ils entreront en contact avec les populations humaines à cause de l’expansion des villes, et les changements de comportements des humains face aux changements climatiques, selon M. Carlson. « Nos modèles pourront être raffinés pour mieux comprendre l’augmentation réelle du risque. Il faut aussi inclure les populations d’oiseaux et d’insectes. »

En savoir plus
  • 10 000
    Nombre d’espèces de virus susceptibles d’infecter des mammifères
    SOURCE : NATURE
    6 %
    Proportion des espèces de mammifères porteuses d’un virus présent chez une autre espèce
    SOURCE : NATURE