L’industrie du bitcoin fait piètre figure en matière de consommation énergétique. Des groupes environnementaux pressent la populaire cryptomonnaie de réduire son empreinte écologique. Selon eux, un simple changement dans l’algorithme changerait tout.

Si le bitcoin était un pays, il occuperait le 23rang mondial pour sa consommation d’énergie. C’est du moins l’estimation faite par la plateforme d’analyse de cryptomonnaies Digiconomist.

Pour le Néerlandais Alex de Vries, fondateur de la plateforme, cette statistique est alarmante. « Il y a un lien fort entre le prix du bitcoin et son impact environnemental, soutient-il. L’an dernier, le prix du bitcoin a atteint un sommet, donc sa consommation d’énergie a aussi atteint un sommet. »

Ce gouffre énergétique provient du minage de bitcoins. Les personnes qui participent au système, les mineurs, doivent s’équiper d’ordinateurs énergivores mis au service du réseau en échange de récompenses en bitcoins. Le système est dit « par preuve de travail ». Plus les ordinateurs des mineurs sont puissants, plus leurs chances d’être récompensés augmentent.

D’où est tirée toute cette énergie ? Selon une recherche parue dans le journal The Joule, à laquelle a participé Alex de Vries, elle provenait à 75 % de sources non renouvelables en août dernier.

PHOTO FOURNIE PAR ALEX DE VRIES

Alex de Vries, fondateur de la plateforme d’analyse de cryptomonnaies Digiconomist

Les mineurs ne se soucient pas de la source de leur énergie. Ils ont besoin d’énergie stable et abordable, ce qui les mène naturellement vers les combustibles fossiles.

Alex de Vries, fondateur de Digiconomist

Des groupes environnementaux souhaitent toutefois changer les façons de faire. Une coalition incluant Greenpeace États-Unis et l’Environmental Working Group a lancé le 29 mars dernier la campagne « Changez le code, pas le climat ».

PHOTO ALAN FREED, ARCHIVES REUTERS

Les mineurs de cryptomonnaie utilisent des ordinateurs aussi puissants qu’énergivores.

« Nous savons qu’un changement de base dans le code du logiciel réduirait la consommation d’énergie du bitcoin de 99,9 % », proclame la campagne.

Le changement à effectuer serait dans le système par preuve de travail. Ce qui est proposé, c’est un système de rechange, dit « par preuve d’enjeu », où acquérir des ordinateurs de plus en plus puissants serait inutile.

« Dans un système par preuve d’enjeu, il suffit d’avoir accès à un appareil avec une connexion internet, explique Alex de Vries. Il n’y a pas de compétition de machinerie. »

La campagne demande aux acteurs influents en matière de cryptomonnaies de faire pression sur la communauté du bitcoin pour passer à ce système.

Le pari des énergies renouvelables

Les chances que le bitcoin adopte ce changement de paradigme sont pour l’instant minces. Certains mineurs de bitcoin ont investi des fortunes en puissants équipements basés sur le système actuel.

« Toute la sécurité et la vision du bitcoin reposent sur la preuve de travail, souligne Joseph Pallant, qui a créé la fondation Blockchain for Climate pour des cryptomonnaies plus vertes. Je ne m’attends pas à ce que ça change. »

Selon M. Pallant, il serait plus réaliste de réduire au maximum l’empreinte environnementale du bitcoin en misant sur des énergies renouvelables. « Et lorsque ce n’est pas possible, il faut compenser par exemple avec des crédits carbone », affirme-t-il.

L’industrie québécoise du bitcoin peut d’ailleurs se targuer de reposer à plus de 99 % sur des énergies renouvelables pour son électricité. Certaines initiatives proposent même de réutiliser la chaleur produite par le minage de bitcoins pour chauffer des bâtiments, comme à l’ancienne église de Saint-Adrien en Estrie.

Il reste que les capacités de production d’énergies renouvelables dans le monde sont limitées. Au Québec, la production actuelle ne sera plus suffisante pour répondre à la demande dès 2027, selon les estimations d’Hydro-Québec.

« Cette électricité consommée pour la production de bitcoins pourrait être bien mieux utilisée au Québec dans un contexte de crise climatique et de dépendance aux hydrocarbures dans les différents secteurs de l’économie », insiste Patrick Bonin, de Greenpeace Canada.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada

Avec l’état actuel de la technologie et sans réglementation pour la cryptomonnaie, c’est clairement un boulet dans la lutte climatique. Tous les gains qu’on peut faire, il faut les faire.

Patrick Bonin, de Greenpeace Canada

Un intérêt accru

Bien qu’il ne fasse pas l’unanimité, le système par preuve d’enjeu gagne en popularité. « La plupart des nouvelles cryptomonnaies utilisent ce système, souligne Joseph Pallant. Elles ont des empreintes carbone très faibles. »

Ethereum a d’ailleurs décidé d’emboîter le pas. La deuxième cryptomonnaie mondiale en importance, après le bitcoin, est en plein processus pour passer du système par preuve de travail à celui par preuve d’enjeu.

« Le plus grand espoir est qu’Ethereum, qui a planifié de faire ce changement depuis longtemps, parvienne à le faire cette année et montre l’exemple à Bitcoin, conclut Alex de Vries. Alors, peut-être que Bitcoin reconsidérera l’option. »

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