Les vaccins contre la COVID-19 sont arrivés plus tôt – et se sont révélés beaucoup plus efficaces – que prévu. Puis, il a fallu ajouter une dose de rappel. Israël en est déjà à sa quatrième dose. Est-ce que ces ajustements continuels vont se poursuivre ? Des chercheurs planchent sur la prochaine étape de la vaccination pandémique.

Immunité hybride

De plus en plus d’études démontrent qu’un mélange de vaccins et d’infection confère une protection plus durable, à tout le moins pour les infections au SRAS-CoV-2, le coronavirus responsable de la COVID-19. « On parle beaucoup d’immunité hybride, deux doses de vaccin et en plus une infection, en ce moment », explique Andrés Finzi, un immunologue de l’Université de Montréal qui a publié plusieurs études sur la réponse immunitaire contre le SRAS-CoV-2.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Andrés Finzi, immunologue de l’Université de Montréal

Il y a quelque chose dans la réponse immunitaire à l’infection qui semble plus durable qu’avec les vaccins. Cela dit, on ne veut surtout pas que les gens pensent qu’il vaut mieux être infecté avant d’avoir des vaccins.

Andrés Finzi, immunologue de l’Université de Montréal

Jamal Abu-Raddad, du campus de l’Université Cornell au Qatar, est l’un de ceux qui ont démontré que les personnes qui avaient eu deux doses de vaccin et une infection étaient mieux protégées contre les infections par rapport à celles qui avaient reçu trois doses de vaccin, sans infection. « La protection contre les maladies graves, par contre, n’est pas meilleure avec l’immunité hybride qu’avec la protection strictement vaccinale, nuance l’immunologue qatari. En fait, la protection de deux doses de vaccin contre les maladies graves est aussi bonne que l’immunité hybride. » L’immunité hybride concerne autant les patients qui avaient eu une infection avant leur première dose de vaccin que ceux qui avaient eu une infection après avoir reçu deux doses de vaccin, précise le DAbu-Raddad, dont les travaux ont été publiés sur le site de prépublication MedRxiv.

Rappel nasal

L’une des explications dominantes pour expliquer les avantages de l’immunité hybride est qu’une infection passe par les voies respiratoires. « Il se peut qu’il soit préférable d’avoir des doses de rappel par voie nasale », explique Jen Gommerman, immunologue de l’Université de Toronto et responsable des vaccins au Réseau de réponse rapide aux variants du coronavirus mis sur pied par le gouvernement fédéral.

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Jen Gommerman, immunologue de l’Université de Toronto

Plusieurs groupes travaillent sur cela. Ce n’est pas facile, il n’y a qu’un seul vaccin nasal, pour la grippe.

Jen Gommerman, immunologue de l’Université de Toronto

Le problème, c’est que les muqueuses respiratoires sont conditionnées à ne pas surréagir face à des substances inconnues. « Sinon, on ferait des réactions immunitaires chaque fois qu’on mange ou qu’on respire des substances », explique Matthew Miller, immunologue de l’Université McMaster, à Hamilton, qui a mis au point un vaccin nasal contre la COVID-19 devant être testé chez l’humain d’ici l’été. « Nous contournons le problème en utilisant un vecteur viral ; les données préliminaires sont encourageantes. » Le vecteur viral, une approche qui consiste à utiliser un virus inoffensif pour transporter des protéines du SRAS-CoV-2, est la technologie utilisée par le vaccin d’AstraZeneca.

Le vaccin pancoronavirus

L’autre approche en vue est un vaccin qui protégerait contre plusieurs coronavirus. « Je ne serais pas surpris de voir un vaccin pancoronavirus arriver avant une dose de rappel nasale », estime Matthieu Mahévas, immunologue de l’Institut Necker de Paris. Il a publié en décembre, sur MedRxiv, une étude montrant que les anticorps générés par les vaccins actuels protègent aussi bien contre les maladies graves attribuables au variant Omicron qu’au variant Delta. « C’est vraiment la prochaine étape de la lutte contre le SRAS-CoV-2. »

David Martinez, virologue de l’Université de Caroline du Nord, a publié en juin dernier une étude montrant qu’un vaccin « chimérique », comportant des protéines de différents coronavirus, protégeait la souris contre le SRAS-CoV-1, responsable du SRAS de 2003, contre des coronavirus de la chauve-souris et contre plusieurs variants du SRAS-CoV-2. « Nous sommes en train de le tester contre Omicron, dit M. Martinez. Et nous travaillons avec d’autres équipes sur des vaccins pancoronavirus pour l’humain. »

L’un de ces projets implique des nanoparticules à 24 faces, où sont greffées autant de protéines de différents coronavirus et variants du SRAS-CoV-2. L’un des problèmes de cette approche pancoronavirale est qu’elle cible des protéines moins accessibles. « Il se peut que le système immunitaire n’ait accès à ces protéines qu’après l’infection d’une cellule, dit M. Finzi. Donc on protégerait contre les maladies graves, mais pas contre l’infection. » M. Martinez pense de son côté que si la réponse immunitaire à l’intérieur de la cellule est forte, le patient pourrait être vacciné, mais non contagieux.

Des usines dans des conteneurs

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BioNtainer, l’usine vaccinale de BioNtech fabriquée à partir de six conteneurs standards

Le nationalisme vaccinal a été un autre élément marquant de la pandémie. Le manque de capacité de production dans plusieurs pays a été montré du doigt pour expliquer les pénuries durant les premiers mois des campagnes de vaccination. Pour pallier ce problème, BioNtech, la société allemande qui a conçu le vaccin de Pfizer, va tester en 2024 un « BioNtainer » dans un pays africain.

Il s’agit d’une usine vaccinale d’une capacité de 50 millions de doses, qui est fabriquée à partir de six conteneurs standards. BioNtech espère que cette approche standardisée permettra de distribuer plus rapidement les vaccins, sans devoir passer plusieurs années à construire une nouvelle usine – un processus considérablement allongé par les approbations réglementaires liées à l’industrie pharmaceutique.

La grippe russe de 1890

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Caricature d’un journal parisien, Le Grelot, en 1890

L’histoire des coronavirus peut générer un petit espoir. « On parle beaucoup de la possibilité qu’une pandémie en 1890 aurait été causée par un coronavirus du rhume et non par la grippe, dit M. Finzi. Si c’est le cas, ça pourrait signifier que ce coronavirus OC-43 était au départ très mortel, parce que personne n’avait d’immunité, puis qu’il a évolué pour être plus transmissible, mais moins virulent. En plus, la population s’est trouvée à avoir l’équivalent de doses de rappel avec des infections annuelles. »

Pierre Talbot, un chercheur de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) qui étudie les effets neurologiques du coronavirus OC-43, pense que cette hypothèse sur la pandémie de 1890, surnommée « grippe russe », pourrait bien être valide.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’INRS

Pierre Talbot, chercheur de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS)

La grippe russe de 1890 et le SRAS-CoV-2 ont des symptômes neurologiques absents avec l’influenza.

Pierre Talbot, chercheur de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS)

L’OC-43 est l’un des quatre coronavirus à cibler le rhume. Il est semblable à un coronavirus bovin qui aurait décimé les élevages européens à cette époque. Les coronavirus sont responsables d’entre le quart et le tiers des rhumes.

Cinq fois plus de conférenciers

Pierre Talbot travaille sur les coronavirus depuis 1984. « Avant la pandémie, moins d’une centaine de chercheurs assistaient aux congrès internationaux sur les nidovirus, la catégorie de virus qui inclut les coronavirus », fait valoir M. Talbot. Ces congrès avaient lieu seulement tous les trois ans. Le dernier congrès sur les nidovirus, qui devait avoir lieu en 2020, mais a été repoussé en 2021, a attiré plus de 500 participants, selon ses organisateurs néerlandais. « Je pense qu’on va avoir beaucoup plus de monde à nos congrès dorénavant », dit M. Talbot.

La COVID-19 en chiffres

954 000

Nombre de morts attribuables à la COVID-19 depuis janvier 2020 aux États-Unis

7,4 millions

Nombre total de morts depuis janvier 2020 aux États-Unis

400 000

Prévision du nombre annuel de morts attribuables à la COVID-19 aux États-Unis, avec la protection vaccinale actuelle, sans restrictions sanitaires

Sources : CDC, Science