L’ajout de filtres pour laveuses à linge réduit la quantité de microplastiques dans les cours d’eau de 85 %, selon une nouvelle étude ontarienne sur les façons de limiter ces polluants.

« Nos résultats sont encore meilleurs que d’autres études en laboratoire », explique Chelsea Rochman, de l’Université de Toronto, qui est l’auteure principale de l’étude publiée avant Noël dans la revue Frontiers in Marine Science. « La centaine de foyers de la baie Georgienne qui ont participé à l’étude n’ont pas subi de problèmes particuliers. Ça montre que les filtres à microplastiques sont une avenue valable pour contrer le problème. »

La France obligera à partir de 2025 les « lave-linge » neufs à avoir de tels filtres à microplastiques. Des projets de loi similaires ont été envisagés en Californie et en Ontario.

À Polytechnique Montréal, la professeure de génie civil Dominique Claveau-Mallet analyse en ce moment des échantillons de microplastiques recueillis dans des filtres utilisés par 20 ménages de Verdun pendant quelques mois. « On veut établir des corrélations sur le type et la taille des microplastiques et les variables des laveuses, dit Mme Claveau-Mallet. Est-ce que ce sont des cycles avec beaucoup ou moins d’eau, des laveuses à chargement frontal ou non, par exemple. »

Drainage et énergie

Certains des participants ont eu des problèmes de drainage des laveuses, selon Mme Claveau-Mallet. « J’ai eu un filtre chez moi et à un moment donné, la laveuse s’est arrêtée parce que je n’avais pas vidé le filtre. Il était plein. Heureusement, ma laveuse n’a pas été endommagée. Il y a aussi eu un participant qui a eu des problèmes de croissance bactérienne sur son filtre parce qu’il lavait les couches de son bébé. »

Le test a été mené par le Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (GRAME), OBNL consacré à la protection des cours d’eau. « On a évalué plusieurs filtres avant de choisir celui d’Environmental Enhancements », indique Luisa Novara, du GRAME. « Certains filtres ont une portion jetable, d’autres sont plus difficiles à nettoyer. Le modèle que nous avons choisi est cher, par contre, 260 $. » Selon les calculs du GRAME, le filtre utilisé éliminait 87 % des microfibres.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Des échantillons de résidus capturés par des filtres à microplastiques installés sur des laveuses.

Environmental Enhancements, PME de Nouvelle-Écosse, recommande de nettoyer son filtre pour laveuse à linge toutes les deux ou trois brassées. « J’ai commencé à fabriquer ces filtres en 2001, quand ma fosse septique a été bouchée par des microfibres provenant de ma laveuse, explique son fondateur Blair Jollimore. J’ai ensuite fait un modèle avec des mailles plus petites, pour empêcher les microfibres des vêtements d’aller dans les eaux usées. » Le filtre pour protéger les fosses septiques a des mailles de 1580 micromètres et celui qui a été utilisé par le GRAME, de 250 micromètres. Le filtre utilisé par le chercheur Chelsea Rochman avait des mailles de 100 micromètres.

L’Association des fabricants d’électroménagers (AHAM) a fait ses propres tests de filtres pour laveuses à linge, selon la relationniste de l’organisme, Jill Notini. Des filtres de 100 et 200 micromètres ne capturaient que 26 % des microfibres, selon Mme Notini, et augmentaient la quantité d’eau par lavage et la durée d’un lavage. Cette faible efficacité s’explique par le fait que le filtre était contourné quand il était assez plein pour entraver le vidage de la laveuse.

« Irréaliste » ?

« L’objectif de l’industrie est un filtre qu’on ne doit vider que toutes les 30 ou 40 brassées et qui n’augmente pas beaucoup la consommation d’énergie, dit M. Jollimore. À mon avis, c’est irréaliste. »

Plusieurs études semblent montrer que les microfibres qui se détachent des vêtements durant leur lavage représentent entre le quart et le tiers des microplastiques qui se trouvent dans l’environnement et pourraient avoir des effets délétères sur la santé de la faune. « Les usines de traitement de l’eau éliminent 98 % des microfibres, mais souvent, les boues de ces usines sont utilisées comme engrais, dit Mme Rochman. Alors les microfibres capturées dans les boues se retrouvent quand même dans l’environnement. »

Les fabricants de vêtements sont conscients du problème et cherchent à concevoir des tissus qui forment moins de microfibres au lavage. « Il y a des travaux sur le prélavage en usine, parce que certaines études montrent qu’il y a plus de microfibres dans les premiers lavages », dit Mme Rochman. Peut-on régler le problème en utilisant seulement des tissus naturels ? « Non, parce que les tissus naturels font encore plus de microfibres que les tissus synthétiques et qu’ils ont souvent des teintures », répond Mme Rochman.

En savoir plus
  • 4,8 millions de tonnes
    Quantité de microfibres de tissus synthétiques déversées dans l’environnement mondial depuis 1950
    Source : Frontiers in marine science