Une maladie rare, mais plus fréquente au Québec qu’ailleurs, fait l’objet de deux études à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, dans l’espoir de venir en aide aux patients dont elle mine la qualité de vie.

Le syndrome de chylomicronémie familiale se caractérise par des taux de gras sanguins extrêmement élevés, au point où le sang peut ressembler à de la crème lors de prélèvements.

Les gens qui en souffrent doivent surveiller étroitement leur alimentation pour réduire au strict minimum leur apport en gras. Le moindre écart peut avoir des conséquences graves, comme des pancréatites aiguës qui leur occasionneront des douleurs insupportables et pourront les envoyer à l’hôpital.

« La maladie se rappelle à eux trois fois par jour, à chaque repas, a dit la docteure Sophie Bernard, qui dirige la clinique de dyslipidémies génétiques de l’Institut de recherches cliniques de Montréal. Et le moindre écart peut ne pas pardonner. »

Les patients atteints du syndrome de chylomicronémie familiale sont incapables de dégrader les graisses qui circulent dans leur sang, en raison de l’inactivité de l’enzyme qui devrait faire le travail — une situation que la docteure Bernard compare à avoir des ciseaux avec une seule lame.

On estime que la maladie touche environ une personne sur un million à travers le monde. Elle est toutefois un peu plus fréquente dans les régions du Saguenay et de Charlevoix en raison de ce qu’on appelle « l’effet fondateur », qui réfère à certaines caractéristiques génétiques qui peuvent émerger au sein d’une population.

« C’est une maladie rare qui est moins rare au Québec, a dit la docteure Bernard. Le Québec est un lieu quand même intéressant qui permet de mieux connaître cette maladie parce qu’il y a plus de patients, de mieux caractériser les patients, et aussi d’attirer les développements thérapeutiques. »

Impact sur la vie quotidienne

Il n’existe actuellement aucun traitement pour le syndrome de chylomicronémie familiale. Les patients doivent exercer un contrôle draconien sur leur alimentation afin de ne pas consommer plus de vingt grammes de gras par jour, une quantité vraiment infime.

« J’ai une jeune patiente qui un jour va avec ses amis prendre une crème glacée, a dit la docteure Bernard, qui a discuté de ses travaux avec La Presse Canadienne à l’occasion de la Journée des maladies rares, le 28 février. Elle a pris le petit format. Deux jours après, elle était hospitalisée pour une pancréatite aiguë. »

La maladie pourra devenir une source d’isolement social et même de tensions au sein du couple, a-t-elle ajouté. Elle pourra aussi interférer avec le travail ou les études, que ce soit parce que le patient hésite à voyager ou parce que les particules de gras, en bloquant les petits vaisseaux sanguins, pourront causer des problèmes de concentration.

Les femmes enceintes, dont les triglycérides augmenteront d’emblée pendant la grossesse, pourront avoir besoin de multiples transfusions de plasma. La docteure Bernard se souvient d’une patiente qui en a reçu 14 après avoir déjà perdu un premier bébé.

Les pancréatites aiguës occasionnées par le syndrome de chylomicronémie familiale seront aussi beaucoup plus sévères que celles découlant d’autres problèmes, a prévenu la docteure Bernard.

« Les gens sont plus souvent hospitalisés, ils vont plus souvent aux soins intensifs et la mortalité est un peu plus élevée », a-t-elle énuméré.

Traitements novateurs

Les patients qui espèrent l’arrivée d’une thérapie ont souvent été déçus. Une thérapie génique qui a vu le jour il y a quelques années, en plus de coûter horriblement cher, « ne fonctionnait pas très bien », a dit la docteure Bernard.

« On développe actuellement beaucoup de traitements, que ça soit dans différents domaines, et le développement c’est d’aller empêcher la production de la protéine », a dit la docteure Bernard.

Cette protéine interfère avec la paire de ciseaux évoquée précédemment. « C’est un intermédiaire entre la paire de ciseaux et la feuille que vous voulez couper », a illustré la chercheuse.

En diminuant cette protéine qui empêche les ciseaux de bien fonctionner, poursuit-elle, « ça réduit de 80 % ces grosses molécules (de gras) ».

Ce traitement n’était pas encore commercialisé parce que la première génération de technologie faisait un peu chuter les quantités de plaquettes dans le sang, un problème qu’on ne rencontre pas avec la deuxième génération.

« Néanmoins, avec l’ancienne génération, nous avons deux patientes qui bénéficient du traitement, a dit la docteure Bernard. Une des patientes qui était hospitalisée chaque mois pour une pancréatite aiguë, depuis qu’elle a cette médication, n’a plus refait de pancréatite aiguë, n’a plus été hospitalisée, donc c’est un grand espoir pour nous aussi. »