C’est fait. Des astronautes chinois sont dans l’espace pour la première fois en cinq ans. Et pas à n’importe quel endroit : dans la station spatiale toute neuve de leur pays.

Les trois taïkonautes à bord de la navette Shenzhou-12 se sont envolés jeudi matin pour la plus longue mission habitée du pays à ce jour. Six heures après le décollage, l’engin s’est correctement arrimé à la station spatiale chinoise.

La construction de la nouvelle station est toutefois loin d’être terminée. Pour le moment, seul un des trois modules est en orbite. Les astronautes passeront trois mois à poursuivre la construction de la station spatiale et à effectuer une série de travaux de recherche scientifique.

La station spatiale chinoise en chiffres

3 modules

« Il y a deux mois, il y a eu le lancement du premier module, soit le quartier de séjour, là où les astronautes peuvent dormir et se restaurer », explique Robert Lamontagne, astrophysicien et coordonnateur du Centre de recherche en astrophysique du Québec. Il s’agit de l’endroit où les taïkonautes logeront pendant leur mission.

Les deux modules restants, qui seront des laboratoires, devraient être envoyés dans l’espace l’an prochain. Ceux-ci permettront de mener des expériences en matière de biotechnologie, médecine, astronomie ou technologies spatiales.

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Une image diffusée par la station de télévision chinoise CCTV montre l'un des modules de la station spatiale chinoise.

11 missions

L’actuelle mission Shenzhou-12 n’est que la 3e sur les 11 qui seront nécessaires à la construction de la station. Quatre missions habitées sont prévues au total. La durée de vie de la station sera d’au moins 10 ans. « Onze missions sur une période de deux ans, c’est un programme très ambitieux et rapide, affirme M. Lamontagne. La construction de la Station spatiale internationale s’est établie sur beaucoup plus de temps. »

  • Station spatiale chinoise : 60 tonnes, 37 m de longueur
  • Station spatiale internationale : 420 tonnes, 110 m de longueur

À la fin de sa construction, la station chinoise pèsera une soixantaine de tonnes. La station, nommée Tiangong pour « Palais céleste », sera alors 7 fois plus légère et 3 fois moins vaste que la Station spatiale internationale. Sa taille sera plutôt semblable à celle de l’ancienne station soviétique Mir, en fonction de 1986 à 2001.

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Comparaison entre les stations spatiales (en anglais)

À plus de 350 km d’altitude

La station spatiale chinoise a été placée à la fin du mois d’avril en orbite terrestre basse, soit entre 350 et 390 km d’altitude, l’équivalent de la distance entre Montréal et Baie-Saint-Paul.

« À cette altitude, on est encore protégé par le champ magnétique de la Terre. Si on allait plus loin, ce champ protégerait nettement moins contre les rayons cosmiques », explique M. Lamontagne.

Les rayons cosmiques sont des particules qui voyagent à très haute vitesse et qui sont nocives pour le corps humain. « C’est l’équivalent de se retrouver à côté d’un réacteur nucléaire, il faut donc s’en protéger », dit-il.

Pourquoi la Chine voulait-elle sa propre station spatiale ?

La Chine a décidé de construire sa propre station spatiale après le refus des États-Unis de la laisser participer à la Station spatiale internationale. En 2011, le Congrès américain a adopté une loi interdisant tout contact officiel entre les États-Unis et le programme spatial chinois en raison de préoccupations liées à la sécurité nationale. « C’est ce qui explique pourquoi les Chinois ne participent pas à la Station spatiale internationale, même si les Russes y sont malgré les tensions politiques », explique l’astrophysicien.

La Station spatiale internationale qui réunit les États-Unis, la Russie, le Canada, l’Europe et le Japon, doit prendre sa retraite en 2024, avec un possible prolongement jusqu’en 2028. À ce moment-là, la Chine possédera la seule station en orbite.

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Les taïkonautes Tang Hongbo, Nie Haisheng et Liu Boming

La mission

À bord de la station, les taïkonautes Nie Haisheng, Liu Boming et Tang Hongbo n’auront pas le temps de s’ennuyer : maintenance, installation de matériel, sorties dans l’espace, préparation des missions de construction à venir et des séjours des futurs équipages.

Les astronautes auront le choix entre 120 aliments pour les repas et pourront s’entraîner sur un tapis roulant pour se garder en forme. « Avec l’absence de pesanteur, on a une perte de masse musculaire et de masse osseuse. Il faut donc prévoir des programmes d’exercices en continu », explique M. Lamontagne. Le trio a subi plus de 6000 heures d’entraînement avant son départ, dont des culbutes en piscine en combinaison spatiale, afin de s’habituer aux sorties en apesanteur.

Les trois hommes resteront dans l’espace pendant trois mois, une période record pour la Chine. Shenzhou-11, la précédente mission habitée chinoise en 2016, n’avait duré que 33 jours.

Avec l’Agence France-Presse et Associated Press