Il y a exactement un an cette semaine, des signaux d’alerte quant à l’épidémie sévissant alors en Chine se faisaient entendre un peu partout. Il allait toutefois falloir plus d’un mois avant que la plupart des pays occidentaux ne réagissent.

Le 23 janvier 2020, dans son compte rendu d’une rencontre du comité d’urgence sur le coronavirus, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) confirme que la transmissibilité est beaucoup plus élevée que celle de la grippe saisonnière et estime de façon préliminaire que le pourcentage de cas « sévères » pourrait tourner autour de 25 %. Le 25 janvier, le ministère chinois de la Santé annonce une « accélération » de l’épidémie, et pointe le risque de transmission du virus par des gens sans symptômes. Le 30 janvier, l’OMS décrète une « urgence de santé publique de portée internationale », ce qui constitue le plus haut niveau d’alerte possible pour cet organisme.

Et pourtant, à l’exception de la suspension des liaisons aériennes avec la Chine qu’ont décidée cette semaine-là 45 pays, peu de mesures sévères seront ensuite mises en place avant le mois de mars.

« Le plus gros problème pour moi est que, pendant six à huit semaines après la déclaration d’urgence de santé publique [de l’OMS], les pays, sauf en Asie », n’ont rien fait, déclare Joanne Liu, ancienne présidente de Médecins sans frontières. Elle a participé à un comité d’enquête indépendant sur les ratés dans la réponse à la pandémie, qui vient de remettre son rapport.

On peut noter par exemple que, dès le 11 janvier, des chercheurs avaient publié la première séquence génétique de ce virus, qui confirmait qu’il s’agissait bel et bien d’un virus jusqu’ici inconnu ; que dès le 13 janvier, avait été signalé le premier cas en dehors de la Chine ; le 21 janvier, le premier aux États-Unis ; et que dès la fin de janvier, il se trouvait de plus en plus d’experts pour prévenir que l’épidémie ne pourrait pas être contenue.

Le comité indépendant dont a fait partie Joanne Liu, de même qu’un second comité d’enquête, mis en place, lui, par l’OMS, sont la manifestation d’une série d’interrogations, autant au sein des instances internationales que nationales : les signaux d’alerte étaient-il adéquats ? Auraient-ils pu être encore plus alarmants ? Pourquoi la réponse a-t-elle tant tardé ? Ces questions seront discutées lors de l’assemblée annuelle de l’OMS, en mai, au cours de laquelle des changements aux « protocoles d’alerte » pourraient être décidés, s’il y a lieu.

Mais la réponse réside sans doute davantage au niveau des pays qu’au niveau de l’OMS, poursuit Liu dans une entrevue à la revue Nature : « La vraie question est, qu’est-ce que ça prend aux gens pour faire quelque chose lorsqu’une déclaration d’urgence est publiée ? »

Il a été suggéré qu’« urgence de santé publique de portée internationale » (Public Health Emergency of International Concern) n’était pas aussi accrocheur que « pandémie ».

Le problème est que le mot pandémie ne renvoie à aucun statut d’alerte officiel : il n’apparaît pas dans la révision de 2005 sur les urgences de santé publique internationales. Il est possible d’imaginer que si la déclaration du 30 janvier s’était plutôt appelée « pandémie », certains pays auraient réagi plus vite. Mais le reportage de Nature suscite des doutes à ce sujet : cette déclaration a été accompagnée de recommandations aux gouvernements de se lancer rapidement dans des tests de dépistage de même que dans la mise en place de mesures de distanciation sociale et de suivi des contacts des gens contaminés — plutôt que de se contenter d’une suspension des liaisons aériennes, une mesure notoirement insuffisante.

À consulter :

Notre chronologie des deux premiers mois de l’épidémie